De la même manière, si elle part d'un bon sentiment, puisqu'elle vise à atteindre un objectif qu'on ne peut que partager, l'obligation faite à la restauration collective de se fournir en produits bio, locaux ou sous signe officiel de qualité, pourrait se révéler contre-productive, si l'objectif affiché n'est pas raisonnable et réaliste. En effet, cette obligation pourrait, paradoxalement, favoriser l'importation de produits que nos filières locales ne seraient pas en capacité de fournir. C'est particulièrement vrai pour le bio, et c'est pour cela que nous proposons que les seuils de ces produits puissent être adaptés pour tenir compte des réalités de la production locale. Par ailleurs, même si je répète que cet objectif est louable, rien n'est prévu pour accompagner la montée en qualité des repas et pour compenser les surcoûts que devront supporter les collectivités en charge de la restauration collective ou, à défaut, les familles – ce qui serait malvenu dans le contexte actuel.
Enfin, la mention qui est faite, à l'alinéa 3 de l'article 11, des coûts du « cycle de vie » des produits, pourrait elle aussi s'avérer contre-productive, par exemple en pénalisant des viandes issues de cycles de production longs et extensifs, qui sont les plus vertueux, au profit de viandes d'importation, issues de systèmes industriels plus intensifs.
En résumé, monsieur le ministre, ce projet de loi, tel qu'il nous est proposé en nouvelle lecture, n'est pas satisfaisant et ne va pas assez loin pour que nous puissions espérer atteindre l'objectif affiché et partagé de mieux répartir les marges et, surtout, d'améliorer le revenu des agriculteurs.
Si l'Assemblée devait l'adopter en l'état, il susciterait immanquablement et légitimement la déception du monde agricole qui a pu nourrir l'espoir que la situation évoluerait dans le bon sens. Nous prendrions alors le risque d'accoucher d'un texte dépourvu d'utilité, sans impact direct sur l'économie de nos exploitations agricoles, ne faisant qu'ajouter des contraintes et des surcoûts que nos agriculteurs ne peuvent plus comprendre ni accepter si elles ne se traduisent pas par des contreparties au niveau de leurs revenus.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je suis au regret de vous dire que la déception l'emporte. Je vous invite à retrouver l'esprit qui avait prévalu lors du premier examen en séance. Tout au long du processus d'élaboration de ce texte, les députés Les Républicains se sont efforcés, avec d'autres, sur d'autres bancs, de vous accompagner pour que ce projet réponde à l'ambition affichée à l'issue des États généraux de l'alimentation.
À l'occasion de la première lecture, nous avons porté des propositions constructives de bon sens, qui ont permis d'amender ce texte, jusqu'à ce que vous décidiez, pour une raison qui nous échappe, en commission mixte paritaire, de balayer d'un revers de main ce travail et de vider le texte de sa substance.
Nous ne pouvons pas accepter que ce projet de loi s'éloigne à ce point de son ambition initiale et condamne les agriculteurs à demeurer la variable d'ajustement des négociations commerciales.
C'est pourquoi nous demandons son renvoi en commission en vous assurant, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que nous sommes prêts à reprendre les discussions avec vous, dans le même esprit constructif qu'en première lecture, pour lui redonner du sens.
Dans le cas contraire, les relations commerciales resteront déséquilibrées et les centrales d'achat qui ont choisi de se regrouper pendant que nous débattions continueront de faire la loi, alors que celle qui devrait prévaloir ne suffira pas à protéger les intérêts de nos agriculteurs.