Le gigantisme et l'automatisation, la course au profit transforment ces pauvres bêtes en machines à produire. Certaines sont élevées pour leur lait. D'autres se produisent elles-mêmes.
Avoir des petits ne fait plus partie du cycle de la vie, mais d'un process de production, rationnel et profitable. On produit du jambon comme on produit des voitures ou des cornets à piston. Les porcelets ne sont pas de petits êtres sensibles, mais de la matière première, comme de l'acier ou du ciment. Leur chair n'est pas de la chair sensible, semblable à la nôtre, sensible aux caresses comme aux coups, mais, d'ores et déjà, de la chair à saucisse, avant même d'avoir vécu.
Ces animaux ne reçoivent pas davantage de considération que les tomates avec lesquelles ils finiront par être broyés pour faire de la sauce industrielle. Un ingrédient parmi d'autres. Inerte et végétal, ou mort, quelle différence ? La vérité crue, c'est que la viande n'est rien d'autre que des morceaux de cadavres que nous avons produits, par une naissance et une mort industrielles.
Les abattoirs sont parmi les pires cauchemars produits par notre société capitaliste. L'argent et la cupidité pourrissent tout : ils pourrissent les conditions de vie des hommes. Il n'y avait aucune raison qu'ils ne pourrissent pas aussi la vie des animaux, si l'on peut encore appeler cela une vie.
Les abattoirs de Chicago, première industrialisation de ce secteur, maltraitaient déjà considérablement les employés, en plus des animaux mis à mort. Dans ces lieux, il n'y a que de la souffrance.
C'est pourquoi je veux rendre ici hommage à Mauricio Garcia Pereira, lanceur d'alerte, ancien employé des abattoirs de Limoges, qui a osé révéler le scandale de l'abattage des vaches gestantes. Il raconte comment des vaches presque à terme étaient abattues. Leurs petits auraient pu naître, et être des petits veaux en parfaite santé, mais leurs mères étaient tuées juste avant le terme. Il dit que ces veaux étaient considérés comme du déchet. La raison : il fallait maintenir les prix de la viande bovine industrielle. Cet exemple, parmi tant d'autres, est le plus significatif selon moi, d'à quel point notre humanité s'est perdue. En autorisant cela, nous avons perdu tout sens de ce qu'est simplement la vie.
Nous avons bien tenté dans cet hémicycle, un dimanche, à 23 heures, d'interdire les pires pratiques de l'élevage : la caudectomie et la castration des porcelets à vif. Les cochons étant élevés sans possibilité de jouer, de fouiner, une activité qui correspond à leur caractère enjoué et intelligent, la seule chose qui leur reste à faire est de mordre la queue des autres cochons enfermés. Or les plaies s'infectent. Plutôt que de leur donner un jouet, on préfère leur couper la queue et leur limer les dents. Aucune confiance dans la filière !
Les lapins, placides et peureux herbivores, deviennent cannibales à force d'être entassés les uns sur les autres, en n'ayant que l'équivalent d'une feuille A4 comme place pour vivre. Aucune confiance dans la filière !
Les poules pondeuses sont évidemment toutes des femelles, mais que faire des poussins mâles, éclos en même temps ? Plutôt que d'utiliser les techniques pour déterminer le genre avant l'éclosion,...