Ils ont délibéré sur la base du travail d'une mission d'évaluation, et après avoir rencontré toutes les parties prenantes.
Je vous demande simplement de comprendre le décalage existant entre la sérénité – que confèrent des centaines d'heures d'auditions et de rencontres – d'un Sénat qui, à l'unanimité, au-delà de toutes les sensibilités idéologiques, se rassemble autour d'une cause extrêmement mesurée, et notre état d'esprit.
Pour tous ceux qui connaissent le dossier, créer ce fonds, c'est l'assurance que tous les malades qui seront classés hors-catégories, comme pour l'amiante, ne seront pas oubliés. Créer ce fonds, c'est avoir la capacité, au-delà des règles traditionnellement applicables en matière de maladies professionnelles, d'aller chercher la responsabilité de l'industrie phytopharmaceutique. En l'absence de création de ce fonds, tout ne sera renvoyé que vers la Mutualité sociale agricole, l'État sera absent et certaines victimes seront laissées de côté.
Créer ce fonds, c'est, au-delà de l'analyse des causalités qui sera conduite, des canaux d'information et des comités d'éthique qui seront mis en place comme il se doit – comme cela a été le cas pour l'amiante ou pour le sang contaminé – reconnaître de façon irréversible un principe de responsabilité.
Nous en parlions encore avec Delphine Batho à l'instant. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : ce qui est en cause aujourd'hui – et nous sommes en 2018 ! – est d'admettre ou non qu'il existe un lien de causalité entre certains usages de la phytopharmacie et certaines maladies. Si nous doutons encore de l'existence de ce lien, je crois que nous ne sommes pas dignes de siéger ici. Si ce lien de causalité reste encore à affiner, son existence est devenue une évidence – il suffit pour s'en convaincre de se reporter aux nombreux rapports de l'INSERM et des centres internationaux de l'OMS.
Prenons donc nos responsabilités : créer le fonds, c'est créer aujourd'hui, de manière irréversible, les conditions nécessaires à une prise en considération digne par l'État des victimes, là où elles vivent sur nos territoires. Elles peuvent être nos voisins ou nos amis : ces victimes souffrent et elles nous attendent. Il ne s'agit pas à cet instant de compassion, mais bien de rendre justice à ces victimes.