Je suis prêt à en discuter avec vous et à prendre en considération les éléments en votre possession. Je vous dis seulement ce que je sais.
S'il existe un risque certain, il n'y a pas, à mes yeux, d'urgence. Il faut savoir d'ailleurs que le risque bactériologique tue beaucoup plus que le risque chimique : il est simplement beaucoup mieux accepté, ce qui ne peut manquer de faire réfléchir. La peur suscitée par l'industrie chimique est un phénomène de société : l'opinion n'en veut plus, alors qu'elle est à l'origine de belles réalisations. Cela n'est pas sans m'interroger. Une commission d'enquête s'est penchée sur le risque bactériologique sans faire beaucoup de bruit, alors que les menaces qu'il présente – il a déjà tué – sont plus graves que celles du risque chimique, qui est mieux maîtrisé et qui coûte beaucoup plus cher.
Plus qu'un enjeu sanitaire, le glyphosate représente un véritable enjeu environnemental puisque c'est un herbicide universel – cela a déjà rappelé maintes fois par Dominique Potier et d'autres acteurs qui connaissent bien l'agriculture. Il détériore les sols, si bien qu'on finit par nourrir directement les plantes. On en arrive à faire de grandes cultures en hors sol. Tel est le résultat de quarante à cinquante ans d'évolution de l'agronomie. Le changement demandera du temps, non pas en raison des pratiques agricoles – les paysans peuvent se passer du glyphosate – mais de la nécessité de trouver des acheteurs. Les producteurs devront en effet multiplier les ateliers pour obtenir les mêmes rendements, ce qui impliquera de multiplier les acheteurs et les circuits de distribution. Cela demandera du temps : trois ans, cinq ans, dix ans ?
Il est urgent de changer les pratiques et d'accompagner ce changement en mettant en place des marchés. Les paysans ont prouvé historiquement qu'ils savent s'adapter.
Enfin, même si les propos du Président de la République ne sont pas paroles d'évangile, monsieur Ruffin, permettez-moi de me sentir lié par ses déclarations et ses engagements, sur lesquels nous avons été élus. Il a déclaré à Rungis : « Ni impasse technique, ni impasse morale ». À titre personnel, il me semble possible d'imaginer, dans certains endroits, l'existence, dans trois ans, d'impasses économiques ou techniques dues à des situations économiques, territoriales ou sectorielles données, et pour lesquelles des dérogations seront demandées.