Intervention de Jean-Noël Barrot

Réunion du mercredi 12 septembre 2018 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Barrot, rapporteur :

Mes chers collègues, avec la première section du chapitre II, nous abordons la question du financement des entreprises. Les articles que nous allons examiner apportent des solutions à un diagnostic sans appel : les entreprises de France ne parviennent pas à grossir, notamment parce qu'elles ne disposent pas des moyens de financement adéquats aux moments clefs de leur cycle de vie. Trois séries de réformes nous sont proposées : elles portent sur les produits d'épargne, les marchés de capitaux, et le futur grand pôle financier public : la Caisse des dépôts et consignations.

La refonte des produits d'épargne s'inscrit dans le sillon des évolutions fiscales adoptées par notre assemblée l'année dernière. L'enjeu est simple, il s'agit de permettre aux Françaises et aux Français de mieux épargner, en fonction non pas d'incitations fiscales, mais de leurs besoins. Et le besoin le moins bien satisfait qui ressort de toutes les enquêtes est celui de se constituer une épargne pour la retraite. En cause, la rigidité, la complexité et le coût des produits d'épargne retraite.

Pour y remédier, l'article 20 institue un plan d'épargne retraite simple, adapté aux changements de vie professionnelle, avec plus de liberté de choix au moment de la retraite, et une concurrence accrue entre les acteurs, qui conduira à une baisse des frais. L'effort d'harmonisation et de coordination des dispositifs existants est tel qu'il nécessite que nous habilitions le Gouvernement à mettre en oeuvre une partie de la réforme par ordonnance. Ce nouveau produit a vocation à devenir un instrument populaire de préparation de la retraite, qui permettra au plus grand nombre de profiter des fruits de la prospérité du pays.

Car cette épargne de long terme sera investie par les assureurs et les gestionnaires d'actifs au capital des entreprises et des PME, plutôt que dans les obligations d'État qu'ils privilégient trop souvent. D'après les estimations de l'étude d'impact, ce sont 17 milliards d'euros qui seront alloués aux fonds propres des entreprises, dont 2 milliards aux fonds propres de PME. C'est également l'objectif poursuivi par l'article 21, qui améliore le fonctionnement de l'assurance vie.

L'article 27, quant à lui, vise à encourager le financement des entreprises par les ménages au travers du plan d'épargne en actions PME (PEA-PME), en rendant éligibles à ce plan les titres de financement participatif. Cette accroche sera pour nous l'occasion d'accroître l'effet du projet de loi par des amendements pour simplifier et faire monter en puissance ce produit d'épargne au profit des entreprises. Au profit de toutes les entreprises, puisque l'article 29 modernise le régime des entreprises solidaires d'utilité sociale afin de leur permettre d'accéder aux financements dont elles ont besoin.

La deuxième série de réformes porte sur les marchés de capitaux. Le financement des entreprises passe aussi par la démocratisation de l'accès aux marchés financiers et par le rayonnement de la place financière de Paris. Le projet de loi vise à profiter au maximum des marges de manoeuvre laissées par le droit de l'Union européenne au choix des États membres. Il simplifie les introductions en bourse et en réduit le coût, facilite la sortie de cote, clarifie la codification du droit des sociétés cotées, encourage l'installation des prestataires de services financiers en France et vise à donner plus de souplesse aux infrastructures de marché. Il crée également un régime favorable pour les « impatriés » hautement qualifiés. Dans la perspective du Brexit, nous disposons d'une fenêtre d'opportunité pour donner une impulsion déterminante au développement de la place financière nationale – c'est tout l'objectif de ce chapitre.

Le projet de loi introduit également un cadre institutionnel précurseur pour les nouveaux marchés de capitaux, où s'échangent les crypto-monnaies et les crypto-actifs. De nature à protéger les investisseurs, ce cadre incitera à la localisation en France des activités liées à la blockchain. En pratique, l'article 26 crée un régime juridique des offres de jetons, fondé sur un visa facultatif décerné par l'Autorité des marchés financiers (AMF) garantissant le respect d'exigences de transparence et d'honnêteté propres à attirer les offres vertueuses. Ce dispositif a vocation à être largement enrichi par le débat parlementaire, grâce au travail de fond menés par les auteurs du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) – Mme Valéria Faure-Muntian et M. Claude de Ganay –, du rapport de la mission de la commission des finances – MM. Pierre Person et Éric Woerth – et de la mission d'information sur la blockchain – Mme Laure de La Raudière, et MM. Jean-Michel Mis et Éric Bothorel.

Enfin, les articles 30 à 39 visent à moderniser la Caisse des dépôts et consignations, institution placée depuis deux siècles sous la protection la plus spéciale du Parlement. Le projet de loi, tout en garantissant cette continuité historique, rapproche la gouvernance et la supervision prudentielle de la Caisse de celle d'une institution moderne. Cela s'impose aujourd'hui au regard du rôle qu'elle pourrait être amenée à prendre dans la constitution d'un grand acteur français de la « bancassurance ».

Avant de passer à l'examen de ces articles, je voudrais saluer la méthode inédite que vous avez retenue, Madame la secrétaire d'État, en confiant à des parlementaires et à des chefs d'entreprise la mission de faire des propositions, soumises à consultation publique avant d'être largement reprises dans ce projet de loi. Je veux aussi saluer la qualité des débats que vous avez menés jusqu'ici de main de maître Madame la présidente, Monsieur le rapporteur général, en dépit de vos attelles et de vos minerves (Sourires) – pourvu que cela dure ! Enfin, je souhaite que ce texte, enrichi par les propositions de notre commission pose les fondations de la nouvelle prospérité française, que nous appelons de nos voeux.

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