Le ministre l'a rappelé : depuis 1816, la Caisse des dépôts et consignations est placée de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie du Parlement, qui se manifestent par la composition de la commission de surveillance qui comprend cinq parlementaires et trois personnalités qualifiées désignées par le Parlement sur un total de treize membres.
En proposant que l'exécutif nomme quatre personnalités qualifiées, le Gouvernement fait ce qu'aucun gouvernement précédent n'a osé faire, à savoir transférer de fait à l'exécutif le contrôle de la CDC. Avec une expérience hélas très longue que me vaut mon appartenance à la commission des finances, je dois dire qu'il s'agit d'une demande réitérée depuis vingt-cinq ans par la direction du Trésor. Les 15 mars et 2 avril, la commission de surveillance a délibéré par deux fois pour s'opposer à l'unanimité des cinq parlementaires, qui sont de toutes sensibilités politiques, à la désignation à la commission de surveillance de ces quatre personnalités qualifiées qui s'ajouteraient au représentant du Trésor. La présidente de la commission, Sophie Errante, s'y est donc elle aussi opposée.
C'est pourquoi je propose un amendement dans la droite ligne de ces deux délibérations unanimes – à l'exception du représentant du Trésor, cela va de soi – et des propositions que nous avons adressées à la commission de surveillance. Il vise à maintenir le nombre de treize membres en intégrant naturellement deux représentants du personnel – je passe sur la question de la parité – lesquels prennent respectivement la place du représentant de la Banque de France, qui est juge et partie puisqu'il préside l'ACPR dont le rôle est croissant, et celle du membre de la Cour des comptes.
La réforme que vous proposez est d'une gravité exceptionnelle. Il y va en effet de la protection de l'épargne des Français. Depuis des décennies – vous le savez, monsieur le ministre, car vous avez siégé à la commission des finances pendant dix ans – la CDC a été sollicitée par l'exécutif pour intervenir sur les marchés financiers, pour modifier l'actionnariat d'entreprises publiques ou privées et le Parlement a toujours su résister, sans toujours avoir gain de cause, certes, mais en exerçant systématiquement son rôle de contre-pouvoir, et ce pour une seule raison : protéger l'épargne des Français en préservant un niveau de solvabilité et de fonds propres suffisant à la CDC. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, comme le montre l'histoire des deux derniers siècles, la Caisse a surmonté toutes les crises financières. En 2008, alors que vous siégiez à la commission des finances, nous nous sommes réjouis que la CDC puisse faire face à la banqueroute de Dexia et la recapitaliser. Je pourrai multiplier les exemples dans lesquels le Parlement a exercé son rôle de manière constructive face à des visées qui avaient certes leur légitimité, mais qui ne correspondaient pas au rôle de garant de l'épargne des Français que joue le Parlement.
Je conclurai en rappelant un exemple plus récent qui date de 2015 : le ministre de l'époque était confronté au problème majeur de la recapitalisation de l'Agence française de développement (AFD). Il s'est alors tourné vers la CDC pour lui imposer une recapitalisation de plusieurs milliards d'euros de l'AFD. Qu'ont dit Henri Emmanuelli, qui présidait la commission de surveillance, et les parlementaires unanimes de la commission des finances, dont vous étiez, monsieur le ministre ? Ils ont dit que ce n'était pas possible. Notre devoir consiste à protéger l'épargne des Français, et l'on ne saurait faire prendre des risques à la Caisse des dépôts.
C'est à cause de cette longue histoire que j'estime aujourd'hui que la nomination par l'État de quatre personnalités qualifiées déséquilibre complètement le système. Nous aurons l'occasion de revenir sur le rôle du membre du Conseil d'État et de celui de la Cour des comptes, et je vous expliquerai alors ceci : la Caisse des dépôts conduit des politiques publiques.