Vous reconnaissez qu'il y a là une difficulté, puisque vous retenez une période transitoire de cinq ans. Franchissez donc le pas ! L'enjeu est de taille. Car si notre pays est l'un de ceux au monde qui créent le plus d'entreprises, avec 591 000 créations en 2017, ces entreprises ne grandissent que trop lentement : nous en comptons 5 800 de taille intermédiaire seulement, contre plus 12 500 en Allemagne.
Ajoutons à cela une révision du soutien à l'export nulle, et nous obtenons une douce et lente mort pour les petites et moyennes entreprises de notre pays. La preuve en est apportée par les chiffres de la balance commerciale, qui se dégradent, aboutissant à un déficit du commerce extérieur record de 33,5 milliards d'euros sur les six premiers mois de 2018 – alors même que l'Allemagne, à laquelle vous aimez faire référence, monsieur le ministre, a enregistré pour la même période un excédent de 121,5 milliards d'euros, malgré la hausse du pétrole.
Concernant le financement de nos entreprises, il faudrait également plus d'ambitions tant le léger renforcement prévu du PEA-PME et des fonds euro-croissance semble insuffisant face à l'urgence de la situation. Pourquoi ne pas déplafonner le dispositif Madelin, aller encore plus loin avec le PEA-PME ou opter pour le financement participatif ? Cela permettrait de combler le trou laissé par la disparition du dispositif de l'ISF-PME, et de faire émerger de solides business angels pour transformer notre épargne stérile en une épargne fertile, au service de l'emploi des Français.
Il s'agit en effet de s'attaquer au sujet crucial du renforcement de l'investissement direct de nos compatriotes dans nos TPE, nos start-up et nos PME, en augmentant considérablement l'incitation fiscale en proportion des risques pris, à l'image de l'exemple britannique d'une incitation forte à investir, jusqu'à 1 million de livres, déductible à 30 % de l'impôt sur le revenu.
Ne manquons pas d'audace, pour réconcilier les Français avec l'économie et leur donner envie de s'impliquer dans la vie de nos entreprises ! C'est une exigence si nous voulons libérer les talents, les énergies, et les volontés, pour devenir la Silicon Valley de l'Europe à horizon de dix ans et redonner à notre pays l'optimisme qu'il n'aurait jamais dû perdre.
Le guichet unique que vous créez à l'article 1er est une fausse bonne idée, car, si l'esprit de la mesure est louable, vous ratez votre cible. En organisant une centralisation dématérialisée des démarches administratives de création, de modification ou de cessation, tout en laissant autant de validations légales que d'organismes destinataires et chargés de contrôler le dossier, vous ne simplifiez pas du tout, et vous contribuez finalement à créer une interface supplémentaire. J'avoue rester sur ma faim sur ce sujet, et je ne comprends pas du tout l'intérêt d'ajouter un intermédiaire.
Mais quel est le but de tout cela ? Stimuler l'emploi, la recherche, l'innovation ? En tout cas, le Gouvernement rate sa cible, car très peu d'emplois pourront être créés sans soutien à l'innovation – je reviendrai, par la suite, sur la question essentielle du financement de celle-ci. La France a plus que jamais besoin de retrouver sa place au sein des pays innovants, et en matière de recherche. Nos diplômés sont parmi les meilleurs au monde, et pourtant notre pays stagne – pis encore, il régresse. Vous avez parlé de créativité, monsieur le ministre : il faut la mettre en avant dans notre pays !
Parmi la France, l'Allemagne et les États-Unis, notre pays est celui qui forme le plus de doctorants étrangers, mais aussi celui où les demandeurs d'emplois dans ce secteur sont les plus nombreux. Allez comprendre ! Les compétences nationales partent, et les compétences internationales que nous formons ne restent pas. Selon les chiffres du ministère des affaires étrangères, au 31 décembre 2017, ce ne sont pas moins de 1,82 million de Français qui travaillent hors de France. Ce chiffre est en progression de 2,2 % par rapport à celui de 2016. C'est énorme ! Nous ne pouvons plus laisser ainsi s'échapper notre talent. Il est nécessaire de repenser profondément l'attractivité des instituts, en commençant par l'environnement de travail.
Pourtant, même lorsque l'un des députés issu de vos rangs vous fait des recommandations, vous ne l'écoutez pas. Que dites-vous du doublement des salaires pour les chercheurs en début de carrière, des incitations financières pour les expatriés et étrangers, ou encore des outils de calcul dont ont besoin les instituts de recherche pour rivaliser avec les moyens plus que conséquents des grands acteurs privés ? Le 21 juin dernier, le Premier ministre finalisait son « grand plan d'investissement » pour soutenir l'innovation et la recherche. Les objectifs étaient au nombre de quatre – c'est du moins ce qui était affiché : le changement climatique, l'accès à l'emploi, la compétitivité par l'innovation, et la transformation de l'État. Sur cinq ans, 57 milliards d'euros sont consacrés à ce grand plan d'investissement – qui n'est donc pas si grand que cela.
Beaucoup d'annonces sont faites, mais c'est à coup de « devrait » que le Gouvernement traite la recherche et l'innovation. Le Gouvernement devait – mais nous pourrions employer le terme « devrait » – proposer dans ce projet de loi PACTE des mesures visant à faciliter le transfert d'innovation des laboratoires publics aux start-up technologiques. Finalement, il n'en est rien. Nous vous le disons : ce texte est incomplet et mensonger.
La seule mesure qui joue la dérégulation est, à l'article 9, le relèvement du seuil à partir duquel une entreprise doit recourir à un commissaire aux comptes. Cette mesure est marquante puisqu'elle est l'une des pires mesures de ce projet de loi PACTE. Tous les tribunaux de commerce, qui soutiennent les commissaires aux comptes, ont alerté le Gouvernement du risque de voir disparaître un acteur majeur de la prévention des difficultés des entreprises par le biais de l'alerte.