Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du mardi 25 septembre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

La certification par le commissaire aux comptes garantit la pérennité et la fluidité du système. Vous affaiblissez la qualité des comptes annuels, en particulier dans les groupes où, vous le savez, les turpitudes ne se trouvent pas chez les sociétés-mères, mais dans les filiales. Si les entreprises ont besoin de plus de liberté, ce n'est certainement pas en les privant d'un commissaire aux comptes que le Gouvernement va les aider. Quel est le coeur d'une entreprise ? C'est évidemment son activité. Et que faut-il pour que cette activité se déroule sereinement ? Il faut des comptes fiables. Là, monsieur le ministre, nous ne parlons pas d'un blocage, mais d'un vrai problème.

En supprimant l'audit légal dans la majeure partie des 220 000 entreprises, vous supprimerez un gage de conformité et une garantie de lutte contre les fraudes dont elles sont victimes ; vous porterez atteinte à la fluidité des financements, en particulier dans les régions. Il est tout de même paradoxal de priver l'intérêt général de cet acteur essentiel qu'est le commissaire aux comptes la semaine même où l'Assemblée nationale s'apprête à voter la loi visant à lutter contre la fraude ! Le commissaire aux comptes sécurise la base sociale et fiscale et, par conséquent, la collecte des contributions fiscales et sociales des entreprises au bénéfice de l'État et des organismes de protection sociale. Externaliser le contrôle permet d'éviter un accroissement de la dépense publique déjà hors norme en France.

En même temps, vous prônez le développement du PEA-PME. C'est contradictoire, car les organismes financiers n'incluront les actifs des entreprises dans un PEA-PME qu'en ayant des garanties sur l'exactitude des comptes annuels desdites sociétés, garanties que vous réduisez dans l'article 9, empêchant ainsi le développement des PEA-PME.

Je me souviens de l'époque où le Gouvernement vendait un projet de loi sans précédent pour les entreprises. Des ingrédients ont été mis dans la recette, le mets a gonflé, puis il est sorti de son four, et il est retombé comme un soufflé. « Nous allons simplifier la vie des entreprises », tel était l'objectif annoncé. Aujourd'hui, j'ai des difficultés à percevoir où se trouve la facilité dans l'ajout d'obligations à l'objet social des entreprises. Je fais référence ici à l'article 61 du projet de loi qui vise à ajouter la considération environnementale à l'objet social.

Nous sommes tous conscients que chacun doit participer aux efforts écologiques pour répondre aux besoins environnementaux. Toutefois, en faire une obligation, une norme juridique dont découlent des sanctions, ne fait que freiner les possibilités d'innovation. Comment des entreprises françaises peuvent-elles intégrer cette notion face à une concurrence internationale moins contraignante ? Elles risquent d'en être fragilisées.

Les comportements évoluent d'eux-mêmes ; la transition énergétique s'opère sans que nous soyons obligés de l'imposer durement, si durement même qu'elle en freinerait la compétitivité de nos entreprises, et par conséquent, notre économie nationale. J'ajoute, monsieur le ministre, que je ne suis pas certaine que tous les risques juridiques liés à cette contrainte aient été mesurés.

Ce « projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises » n'affecte pas seulement les entreprises, comme son intitulé veut bien le laisser croire : les Français sont tous concernés par certaines des modifications proposées. Nous le constatons dans les derniers budgets, et nous le verrons dans les prochains : il revient encore une fois aux Français de faire des efforts, de participer et de soutenir l'économie. Le prétexte de la relance de l'économie a été aspiré entièrement, et, là encore, le Gouvernement parvient à vider encore plus un contenu déjà tari.

La mesure qui consiste à supprimer le forfait social pour les entreprises de moins de 50 salariés qui procèdent à un versement dans le cadre de la participation des salariés est ubuesque : aucune d'entre elles n'aura recours à un dispositif de participation des salariés aux fruits de l'expansion – elles utiliseront le contrat d'intéressement. Mais il y aura peut-être un changement, monsieur le ministre, puisque vous venez d'annoncer que le forfait social serait supprimé pour les entreprises de moins de 200 salariés qui recourraient à la participation des salariés aux fruits de l'expansion. Peut-être pourrez-vous nous apporter des précisions sur ce point.

En matière d'énergie, ce texte a visiblement été pensé pour ne satisfaire que les desiderata du Gouvernement qui a trouvé judicieux et pertinent d'insérer, par amendement examiné à minuit quarante, un vendredi soir, un article additionnel à l'article 71 visant à lui permettre de légiférer par ordonnance sur la fin des tarifs réglementés du gaz et de l'électricité.

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