Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, s'il ne fallait qu'un seul motif pour justifier le renvoi en commission, ce serait la mauvaise manière. En commission spéciale, le 15 septembre dernier vers minuit quarante-cinq, alors que nombre d'entre nous siégeaient dans l'hémicycle pour débattre de l'interdiction du glyphosate, vous avez défendu, monsieur le ministre, de manière un peu cavalière, un amendement tout à fait singulier : l'amendement no 2030 portant article additionnel après l'article 71 et habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure permettant notamment de mettre fin aux tarifs réglementés du gaz. Ces derniers s'éteindraient un an après la promulgation de l'ordonnance, pour les professionnels, et au 1er juillet 2023, pour « les clients résidentiels, les propriétaires uniques d'un immeuble à usage d'habitation et les syndicats de copropriétaires d'un tel immeuble bénéficiant des tarifs réglementés ». Tout cela sans étude d'impact ni évaluation budgétaire ou financière ! Nous sommes d'ailleurs en droit de nous interroger sur le rapport entre cet amendement et le projet de loi dont nous discutons.
À l'évidence, monsieur le ministre, notre commission spéciale n'a pas pu examiner convenablement une disposition dont les conséquences pourront être lourdes pour des millions de Françaises et de Français et, précisément, pour les entreprises dont vous vous préoccupez et qui sont attachées à la compétitivité-prix de l'énergie. Pour cette raison, il est nécessaire de renvoyer ce projet de loi en commission, sans quoi nous prendrions un risque réel – ce que personne ne souhaite – quant à la conformité des conditions d'examen de cet article avec les dispositions constitutionnelles.
Ce renvoi en commission nous permettrait également d'approfondir un débat qui nous a paru trop rapide sur un certain nombre de sujets majeurs. Je veux évoquer en particulier les privatisations d'Aéroports de Paris et de la Française des jeux.
Nous aurions aimé poursuivre le débat pour vous convaincre, d'abord, que la privatisation de ces deux entreprises est une aberration économique. Vendre des bijoux de famille, qui versent des dividendes à l'État alors que ce même État emprunte à des taux extrêmement bas, voire à des taux négatifs, cela n'a aucun sens. La Française des jeux et ADP versent aujourd'hui à l'État des dividendes à peu près équivalents au fonds pour l'innovation de rupture que vous envisagez de créer ! Si l'on étudie les fondamentaux d'ADP, on s'aperçoit qu'ils sont bien orientés – ces cinq dernières années, le cours de l'action est passé de 74 à 193 euros – , ce qui laisse à penser que cette société aurait pu, à elle seule, assurer le rendement du fonds. Vous nous répondez que ce dernier aura un rendement de 2,5 %, mais permettez-moi de vous faire remarquer, monsieur le ministre, que ce taux est bien supérieur au rendement actuel des obligations d'État. Cette décision est d'autant plus aberrante, d'un point de vue économique, que la privatisation d'ADP vous obligera à verser une compensation financière de l'ordre de 1 milliard d'euros.
Le Gouvernement privatise parce qu'il a essentiellement besoin de liquidités. Il détenait une rente, mais il préfère un capital. À dire vrai, il ne gère pas les intérêts de l'État en bon père de famille. Vous menez une politique à courte vue, sans tirer aucune leçon de la privatisation des autoroutes. Les sociétés d'autoroutes ont vu leurs profits augmenter de 20 % ces dix dernières années : ce sont 1,5 milliard d'euros de dividendes par an qui manquent à l'État, tandis que les recettes des péages augmentent de l'ordre de 2 % par an depuis plus de dix ans, en dépit de la régulation assurée par la direction générale des infrastructures.