Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale – permettez-moi, chère collègue, de vous féliciter pour le travail accompli – , monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs thématiques, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner, après un an d'attente, un projet de loi qui nous a déjà longuement occupés en commission. Nous aurons la possibilité, au cours des deux semaines à venir, d'approfondir un certain nombre de sujets et de confronter nos points de vue.
En janvier dernier, notre groupe avait déposé une proposition de loi intitulée « Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances », dans laquelle nous avions proposé une dizaine d'idées pour le XXIe siècle – lesquelles, nous en avons la conviction, pourraient nous rassembler. Je me souviens précisément de votre adhésion philosophique à ces idées, monsieur le ministre, et des propos de l'oratrice de la majorité, qui nous avait indiqué que nous pourrions discuter en profondeur de nos propositions lors du débat sur le présent projet de loi.
À l'issue de l'examen en commission spéciale, nous ressentons une immense déception. Sur les mots, la philosophie, nous avons pu nous accorder, manifester des visées communes. Mais, dans les faits, vous n'avez, pour l'heure, retenu quasiment aucune de nos propositions. Il s'agit d'un rendez-vous manqué. Beaucoup de bruit pour rien, dirai-je, au regard de la discussion qui nous avait été promise lors de l'examen de notre proposition de loi. C'est en proie à cette déception, mais animés par une forte persévérance, que nous abordons l'examen en séance publique.
Je ne m'attarderai pas sur les privatisations, qui nous paraissent, contrairement à Charles de Courson, une mauvaise idée à long terme et, à brève échéance, un mauvais calcul du point de vue de la rentabilité des dividendes de l'État. Je ne vais pas davantage revenir ici – nous aurons l'occasion de le faire au cours des débats – sur le déséquilibre que pourrait induire la place accordée à l'intéressement dans le revenu des salariés. Nous aurons par ailleurs l'occasion de mettre en question le bien-fondé de la fragilisation de certains garde-fous, qui nous paraissent extrêmement importants pour nos entreprises, au regard, notamment, du principe de loyauté.
Je me concentrerai sur les idées que nous avons mises en avant en janvier dernier. Le fait qu'elles n'aient pas été suivies constituent pour nous, je le répète, un vrai rendez-vous manqué et une source de regrets pour notre assemblée. Ces idées manifestent en effet une nouvelle donne, qui constitue non seulement un marqueur pour nous, à gauche, mais qui aurait aussi pu constituer, à nos yeux, une espérance pour le monde du travail. À gauche, aujourd'hui, nous sommes – et nous entendons l'affirmer – capables de sortir de trois archaïsmes.
Le premier archaïsme consiste à penser que l'entreprise est le lieu du mal. Nous pensons profondément qu'elle est l'occasion d'une ouverture humaine, qu'elle n'est pas mue que par l'appât du gain, qu'elle n'est pas le Veau d'or mais la construction d'une oeuvre commune, dont chacun est partie prenante. On a entendu de grands mots : « communauté inspirée », « nouvelle voie dans la mondialisation ». Pour notre part, nous faisons des propositions très concrètes inspirées par une vision de l'entreprise qui ne se résume pas à l'appât du gain. À gauche, nous pouvons penser une puissance publique qui ne s'oppose pas à l'esprit d'entreprise mais en crée au contraire les conditions. J'aime l'image des rives d'un fleuve que forment la loi, la puissance publique ; sans elles, nous n'aurions pas un fleuve plus puissant mais un marécage.