Intervention de Adrien Quatennens

Séance en hémicycle du mardi 25 septembre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Tenez-vous le pour dit : sur le Titanic en plein naufrage, il est peu probable que les passagers se soient préoccupés de savoir s'ils avaient fermé leur porte de garage.

C'est pourtant bien ce que vous faites, en ne tenant aucun compte ni du diagnostic que nous établissons, ni même de sa validation par la démission de Nicolas Hulot, selon lequel ni les contraintes budgétaires ni le libéralisme économique ne sont compatibles avec ce qu'il conviendrait de faire pour se placer à la hauteur des enjeux climatiques. Ainsi, le projet de loi PACTE n'adapte pas l'entreprise aux enjeux du XXIe siècle, car il est bel et bien écrit dans la vieille langue morte d'un libéralisme à tout rompre que le Gouvernement s'acharne à parler.

Il en résulte inévitablement une petite loi – mais une loi fourre-tout – de libéralisation et de financiarisation accrues de l'économie, comportant des reculs sociaux bien réels et des progrès annoncés qui ne sont qu'illusoires. Rien sur le bien-être au travail, malgré l'explosion des cas de burn-out ! Pas de partage du pouvoir réel entre les salariés ! Rien sur la précarisation du travail, les stock-options, l'encadrement des salaires, les licenciements boursiers ou les retards de paiement des grands groupes !

Avec la loi PACTE, vous faites sauter les restrictions à l'ouverture du capital de plusieurs sociétés, parmi lesquelles Aéroports de Paris, la Française des jeux et Engie. Nous voyons mal en quoi la privatisation de nos aéroports – en situation de monopole – , celle de la Française des jeux – entreprise rentable – ou celle d'Engie – entreprise ô combien stratégique pour mener la transition écologique – adaptent un tant soit peu l'entreprise aux enjeux du XXIe siècle. Au contraire, nous pensons que la meilleure garantie, pour l'État, serait de conserver ces entreprises et d'en utiliser les dividendes pour investir – pourquoi pas ? – dans l'innovation, au lieu de faire de celle-ci un argument pour justifier ces privatisations.

Avec la loi PACTE, vous modifiez les seuils sociaux, définis par des paliers d'effectifs au-delà desquels certaines règles s'imposent aux entreprises. Vous comptez en réduire le nombre, donc – disons-le franchement – les droits des salariés. De ce point de vue, votre loi PACTE est la suite directe des ordonnances Travail de la ministre Pénicaud, avec les résultats pittoresques sur l'emploi et le marché du travail que l'on connaît désormais.

Avec la loi PACTE, des dizaines de milliers de salariés verront leurs droits considérablement réduits. Combien de fois faudra-t-il vous répéter qu'il n'existe pas de corrélation entre le contenu des droits des salariés et le niveau de l'emploi dans notre pays ? Combien de fois faudra-t-il vous répéter que c'est bel et bien le niveau des carnets de commandes, que vous empêchez d'augmenter faute d'investissement public – que vous refusez – et de pouvoir d'achat – que vous affaiblissez – , qui dicte l'activité de notre pays ? Votre projet de loi constitue une preuve supplémentaire que vous renoncez à faire le choix – attendu par nos entreprises – de la relance de l'activité, notamment par la consommation populaire.

Monsieur le ministre, personne ne peut croire qu'une entreprise aux débouchés économiques certains et aux carnets de commandes bien remplis renoncerait à s'accroître au motif qu'elle devrait établir un règlement intérieur. Personne ne peut croire qu'une entreprise aux débouchés économiques certains et aux carnets de commandes bien remplis renoncerait à s'accroître au motif qu'elle devrait fournir à ses salariés un lieu où déjeuner. Ce n'est pas sérieux !

La loi PACTE présente l'épargne salariale comme un mode de participation et de revalorisation des salariés, alors qu'il s'agit en réalité d'une niche sociale supplémentaire et d'un moyen d'éviter les augmentations de salaires. Selon Bercy, il en résultera 440 millions d'euros de recettes en moins dans l'immédiat, et davantage à l'avenir, dès lors que les entreprises seront encouragées à faire appel à ce type de dispositif.

La loi PACTE vise à développer la retraite par capitalisation grâce à une réduction d'impôt : sous couvert de favoriser des produits de financement de l'économie, le développement de l'épargne retraite vise à préparer la future réforme des retraites ; or l'une des pistes envisagées consiste, nous le savons, à permettre aux plus hauts revenus de sortir du système par répartition au profit d'un système par capitalisation. Notre système de retraites, basé sur la solidarité intergénérationnelle, est votre prochaine cible. Nous vous attendons au tournant.

Monsieur le ministre, vous mettez en avant trois mesures, qui constitueraient, selon vous, l'avancée majeure de la loi PACTE : la modification de l'objet social de l'entreprise, la possibilité pour les entreprises d'indiquer dans leurs statuts une « raison d'être » distincte du profit et le passage à deux administrateurs salariés dans les conseils d'administration d'au moins huit personnes – et non plus douze – dans les entreprises de plus de 1 000 salariés.

Mais ces trois mesures sont de la poudre aux yeux, car elles ne changent ni la vocation de l'entreprise – faire du profit – ni le partage du pouvoir en son sein. La modification de l'objet social des entreprises ne leur impose pas de nouvelles obligations et prend simplement en compte la jurisprudence actuelle. La précision d'une « raison d'être » des entreprises est facultative, ce qui en fera un outil marketing.

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