Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, messieurs les rapporteurs, chères et chers collègues, le plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises affiche l'ambition, avez-vous dit, d'« engager un nouveau temps dans la transformation économique de notre pays », en « levant les obstacles à la croissance des entreprises » et en « replaçant [celles-ci] au centre de la société ».
Que l'on ne s'y trompe pas : derrière ces formules creuses comme des calebasses desséchées, il ne s'agit pas de contribuer à la transformation démocratique des entreprises afin de les rendre socialement et écologiquement plus responsables. Vous avez pourtant déclaré, monsieur le ministre, que l'entreprise ne peut plus être uniquement le lieu de la réalisation des profits. Bel effort sur vous-même ! Les mots sont doux... mais les actes sont où ?
Votre texte a une philosophie, nous avez-vous dit. Vous ne l'avez pas toujours explicitée tant elle va de soi ; nous la connaissons puisque c'est toujours la même : libérer les forces de l'argent de ce qui entrave leur pouvoir. Votre projet tient en trois mots : privatisation, dérégulation, déréglementation – et cela rime avec régression.
La quête des profits reste votre boussole et ce gouvernement actionne pour ce faire les mêmes leviers que ses prédécesseurs en organisant l'impuissance publique. Vous faites une grave erreur de diagnostic. Comme si le droit était la cause de l'explosion du chômage, des inégalités, de la précarité ou encore du mal-travail !
Ainsi, en supprimant les règles, on relèverait mieux les défis sociaux et environnementaux immenses auxquels notre pays, l'Europe et le monde sont confrontés ? Ces politiques n'ont jamais produit de résultats positifs ! Elles ont seulement contribué à jeter des millions de nos concitoyennes et concitoyens dans l'angoisse du lendemain.
D'abord, votre projet de loi organise l'impuissance publique. Le Gouvernement prolonge aujourd'hui le travail entamé par Emmanuel Macron sous la précédente législature avec la privatisation des aéroports de Nice, Toulouse et Lyon – il y a tout de même une certaine continuité dans tout cela. Cette fois-ci, il est prévu de lever les contraintes légales qui obligent l'État à détenir la majorité des parts d'Aéroports de Paris. Or les aéroports concernés constituent des équipements stratégiques et ont évidemment vocation à être placés sous entière maîtrise publique.
À l'heure où l'on peut traverser l'Europe ou la Méditerranée pour 19 euros sans se soucier de la manière dont se paie le véritable prix du voyage, et au lendemain du versement, en 2015, de plus de 129 millions d'euros de dividendes par ADP à ses actionnaires, chiffre en progression continue, cette décision est, pour nous, un non-sens non seulement économique mais aussi environnemental, dans un contexte de croissance du trafic aérien. Cela ne sera pas non plus sans conséquences pour Air France, dont le hub national est constitué par les aéroports de Paris. La vague des privatisations de grands aéroports mondiaux est un motif d'inquiétude, à tel point qu'elle a suscité une mise en garde officielle de l'association des compagnies aériennes internationales, pourtant peu suspecte d'antilibéralisme économique.
Le désengagement de l'État de La Française des jeux porte un coup à la nécessaire régulation républicaine des jeux d'argent, avec de faibles précautions face à l'amplification des conséquences pathologiques de l'addiction aux jeux. L'ouverture de son capital va se solder par une diminution de 50 % de la participation de l'État, ce qui réduira d'autant les dividendes perçus – 90 millions d'euros par an actuellement. Il s'agit d'un scandale du même acabit que la privatisation des autoroutes.
À l'heure de la transition écologique, vous supprimez également l'obligation pour l'État de détenir plus de 30 % du capital de GDF-Suez et vous ouvrez le capital de GRTgaz. Vous allez encourager le groupe à geler les salaires, détruire des emplois et délocaliser, au détriment de la pérennité, de la qualité et de la sécurité du service rendu, du service public.
En réalité, monsieur le ministre, vous vendez les actifs pour combler le trou que vous avez vous-même creusé en supprimant l'impôt sur la fortune. Nous devrions au contraire nous doter de leviers efficaces pour intervenir, mais vous préférez une fois de plus vous en remettre à l'aveuglement avéré du marché avide, en servant au passage les chasseurs de dividendes et le capitalisme triomphant, dont le rapporteur général nous a fait tout à l'heure le récit merveilleux. Ce récit, j'ai quelques idées de titres à lui donner : L'histoire avec une fin ? Oui-Oui et le garage extraordinaire ? Tintin et le gentil capitalisme ?