Il me semble que j'entendais déjà cela dans le ventre de ma mère : crise, croissance, crise, croissance... Valéry Giscard d'Estaing, j'ai vérifié, tenait déjà ce langage. Je le cite : « Les derniers indices font apparaître la reprise d'une certaine croissance. Donc, la France est en train de sortir de la crise ». Puis, alors que j'étais en culottes courtes, il y a eu François Mitterrand : « On attend, on annonce encore pour le mois prochain, dans deux mois, dans six mois, un retour à la croissance ».
Chirac reprenait le même refrain, en mode volontariste : « La croissance, il faut la faire, elle est entre les mains de chacun d'entre vous. » Puis nous avons eu Nicolas Sarkozy. Vous avez oeuvré, monsieur le ministre, à ses côtés pour aller chercher « avec les dents » un point de croissance supplémentaire. Selon lui, « ll faut qu'on libère les forces de croissance ». François Hollande, lui, a comme d'habitude brillé par son conformisme : « Il n'y aura pas de croissance sans confiance. Il n'y aura pas de confiance sans croissance. » Jusqu'à l'actuel président, Emmanuel Macron, qui nous a, depuis Versailles, causé comme le faites, monsieur le ministre, de croissance durable et de croissance partagée. Il a sonné le tocsin : « Nous devons à présent libérer les freins à la croissance des entreprises ».
Voilà quarante ans que vous nous récitez ce catéchisme. Quarante ans que vous êtes dans l'incantation et dans l'invocation d'une puissance céleste : la croissance. Quarante ans que, sorciers à costume, vous nous faites du vaudou. Quarante ans que vous scrutez les statistiques comme les augures scrutaient, à Rome, les entrailles des oies, nous promettant éternellement la croissance.