Intervention de Bruno Bonnell

Séance en hémicycle du mardi 25 septembre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Bonnell :

Pourtant, les entreprises vont bien au-delà de squelettes de chiffres. Elles sont une noria d'aventures humaines. Dans le creuset des entreprises se mixent les cultures, d'ici ou d'ailleurs, s'inventent des mots importés d'autres pays. Par exemple, le « havage » des mines vient de l'allemand, l'« écubier » des chantiers navals du portugais, l'« algèbre » de l'intelligence artificielle de l'arabe, la « toutenague » des fondeurs du persan.

Dans le creuset des entreprises se forgent les amitiés, à l'occasion de défis techniques et de batailles commerciales. Dans le creuset des entreprises coulent des sources d'inspiration professionnelle, comme l'amour du métier transmis par les seniors ou l'éducation aux nouvelles techniques assurée par les plus jeunes. Ces échanges permanents de savoirs et d'expériences font des entreprises les lieux privilégiés du brassage social. Et c'est aussi dans le creuset des entreprises que se construit la nation, en confrontant les idées, en ouvrant le débat social, en partageant la valeur du travail, en discutant du sens de leur action et de leurs missions.

Dans ma circonscription, à Villeurbanne, des dizaines d'usines ont accueilli une importante immigration car on manquait de bras. On les appelait « Ritals », « Spingouins », « Polaks », « Arabes » ; ils vivaient côte à côte et, surtout, ils travaillaient ensemble, pour des objectifs communs, échangeant leurs pratiques et, pour nombre d'entre eux, leurs voeux, construisant par la parole et par les ventres une identité diverse à ce territoire.

Le projet de loi PACTE vise à redonner aux entreprises cette place d'élément fondateur du corps social. D'abord, par sa présentation même : c'est une réforme systémique, conduite à travers une vision de l'entreprise vivante. Au cours de soixante-treize articles, elle en balaye toutes les étapes, de sa création jusqu'à, parfois, sa disparition, en passant par son développement et sa croissance.

C'est aussi de son objectif clairement affirmé d'aider les entreprises à grandir que ce texte tire une ligne claire. L'environnement entrepreneurial a changé, passant d'une économie de rattrapage, où la reconstruction puis la consommation sans limites pilotaient la croissance, à une économie de l'innovation, où les usagers et consommateurs sont plus alertes, plus exigeants et embrassent de nouvelles valeurs. Dans ce contexte, grandir est indispensable, non pour maximiser les profits, mais pour se donner les moyens de disposer de capacités d'innovation.

Le projet de loi PACTE veut anticiper cette évolution, en aidant les entreprises à grandir non seulement physiquement, par exemple en simplifiant les seuils ou en stimulant l'export, mais aussi en responsabilité, en associant toutes les parties prenantes à sa gouvernance et à son actionnariat. C'est pourquoi il consacre la notion non pas d'objet social, comme cela a été dit, mais d'« intérêt social » de l'entreprise, souligne la nécessité de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux, et propose aussi de créer des entreprises à mission.

À l'heure de la « robolution », appelons-la comme ça, et de la prise de conscience écologique, ce projet de loi donne un socle légal à l'imagination, au génie, à l'esprit français de conquête des marchés en friche ou en devenir. C'est un texte d'audace et de détermination, un cap vers la croissance de toutes les entreprises, de services comme de l'industrie, dans tous nos territoires, même les plus inattendus.

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