Mais l'entreprise, c'est d'abord ceux qui produisent, qui inventent la production et les chaînes de production, avant ceux qui décident comment placer la trésorerie du groupe et comment faire davantage suer le burnous. L'entreprise c'est d'abord les ingénieurs et les productifs !
Pour y arriver, vous aurez besoin de tout le monde. Donc, il faut étendre les droits dans l'entreprise. J'ai retrouvé cette belle idée sous la plume de Jaurès : « Pour que le travail soit vraiment libre il faut que tous les travailleurs soient appelés pour leur part à le diriger, il faut qu'ils participent au gouvernement économique de l'atelier, comme ils participent par le suffrage universel au gouvernement politique de la cité. » Et, lui qui ne connaissait pas les fonds de pension, faisait une critique de l'actionnaire : « bien souvent, les actionnaires ne connaissent à aucun degré le fonctionnement réel de l'entreprise possédée par eux. Ils ne l'ont jamais vue fonctionner. Ils en ignorent le mécanisme technique et économique. Ils n'en savent ou ils n'en demandent qu'une chose : que rapporte-t-elle ? »
C'est exactement ce qui se passe dans un fonds de pension. Ils ne savent pas ce qu'ils possèdent. Dans un domaine qui n'a aucun rapport avec la production industrielle, la pêche, j'ai entendu quelqu'un me dire que si l'on pouvait transférer les droits de pêche d'un bateau à un autre, on allait voir les fonds de pension rappliquer pour les racheter ! Cette personne est de droite et ne partage pas mes idées, mais elle m'a dit que sur ce sujet, elle était d'accord avec moi pour ne pas voir les fonds de pension et la finance investir le secteur. Autant qu'ils aillent s'occuper de chaussettes ou de lacets, car on pourra toujours en produire. Mais les poissons, ils s'en fichent complètement : tout ce qui compte pour eux, c'est d'en ramasser le plus possible, tant pis si à la fin il n'y en a plus !
Cette éminente personne, dont je ne cite pas le nom pour ne pas m'approprier son talent et son autorité, grand marin, une femme, me disait qu'elle était tout à fait d'accord avec l'idée de définanciariser l'économie.
Après le règle verte et la planification écologique, il faut donc la participation des travailleurs, parce que eux sont en mesure d'affiner et d'améliorer les process de production. Naturellement, de tout cela, il n'y a rien dans la loi. Naturellement. La place des travailleurs ? Zéro. Leur contribution à l'intelligence collective ? Pas un mot ! Ce que l'on trouve en revanche, ce sont de nouvelles définitions juridiques qui ne servent qu'à entériner le statu quo.
Il faut aussi stabiliser les travailleurs. Plus d'emploi précaire ! Il n'y a que les brutes bornées qui croient que c'est parce que la peur tenaille le travailleur qu'il sera plus productif et plus ponctuel. Ce n'est pas vrai ! Le stress est l'ennemi de la bonne production. Aux débuts du capitalisme, les capitalistes s'évertuaient à garder les travailleurs au travail. Les premiers règlements d'entreprise interdisaient d'apporter des échelles au boulot pour empêcher les travailleurs de faire le mur ! Il a fallu un siècle de dressage des corps pour que les gens s'attachent au travail. C'était cela la préoccupation de l'époque. Aujourd'hui, c'est l'inverse : on pense qu'en faisant peur au gens, en les menaçant de les foutre dehors, il vont mieux travailler. C'est une erreur totale. Stabilisez les travailleurs et vous stabiliserez la production et sa qualité.
Enfin, il faut définanciariser. Pourquoi n'accepteriez-vous pas notre amendement sur ce sujet ? Je vois que cela remplit d'hilarité notre collègue Jean-Michel Jacques. Que c'est drôle, en effet...
Définanciariser, c'est limiter les droits de vote dans l'entreprise selon la durée de l'investissement. Monsieur le ministre, ça devrait vous aller ! Ce n'est pas une bonne idée ?