... qui consiste à penser qu'il n'est jamais l'heure de parler des problèmes de fond. Moi, je respecte le point de vue du ministre – je le connais, ce n'est pas le mien. Nos deux visions du monde s'opposent, et je vous le dis maintenant : si vous ne définanciarisez pas la production dans ce pays, elle s'écroulera.
Tous ceux qui ont inventé que l'économie de services était l'avenir de l'économie française voient dans quelle situation nous sommes. L'industrie représente à peine 11 % du total de ce que nous produisons, pendant que le même ratio atteint 23 % en Allemagne – puisque vous citez toutes les cinq minutes les Allemands, qui paraît-il incarnent le modèle parfait de ce qu'il faudrait faire. Tous ceux qui ont rêvé à une économie de service qui permette de maquiller les comptes du PIB voient dans quelle situation nous sommes. Regardez le PIB des États-Unis d'Amérique, vous constaterez que l'agriculture et l'industrie, c'est-à-dire les productions réelles, sont ultra-minoritaires par rapport à l'industrie des services ! Regardez ce qui s'est passé avec le Royaume-Uni et le Brexit : il ne suffira pas de durcir le ton pour faire venir la City à Paris en espérant que cela masque les comptes du PIB et la disparition de l'industrie !
J'ai fait une série de propositions. Nous souhaiterions avoir votre réponse sur la place de la finance et son rôle éminent dans la production, comme gouvernant de la production. Dans votre texte, vous faites le contraire de ce que nous proposons. Vous créez des droits nouveaux pour l'expansion des fonds de pension en essayant de faire croire que cela permettra au gens d'améliorer leurs retraites. Certes, dans les conditions actuelles, c'est le cas, mais qui peut croire que l'argent voyage dans le temps, et que les fonds accumulés de cette manière serviront à autre chose qu'à des LBO? Les fonds de pension s'investiront dans les conditions que je viens de décrire, et le fait qu'il s'agisse de fonds de pension français ne change rien au caractère nuisible de leurs actions !
Vous vous retrouverez alors dans la situation que nous observons partout dans le monde : à chaque crise financière, ce qui saute en premier ce sont ces fonds de pension et cette accumulation fictive.
Monsieur le ministre, si l'on regarde l'histoire récente, la crise du capitalisme qui se produisait autrefois tous les vingt ou trente ans intervient dorénavant tous les dix ans. Nous sommes à la veille d'une nouvelle crise générale de l'économie financière mondiale. Tout le monde le dit, tout le monde l'écrit, parce que tous les signes sont là. Et c'est le moment que vous choisissez pour étendre la sphère, l'influence et les moyens de l'économie financière. C'est une erreur totale !
S'il fallait une loi sur l'entreprise, il aurait fallu qu'elle traite de sa façon d'assumer sa responsabilité sociale, sa responsabilité patriotique, sa responsabilité écologique, et non le énième bricolage destiné à favoriser les intérêts de quelques-uns dont, pour des raisons totalement métaphysique, vous continuez à penser que leur égoïsme est le moteur du monde, alors que nous croyons que ce moteur est l'entraide.