Intervention de Adrien Quatennens

Séance en hémicycle du jeudi 27 septembre 2018 à 9h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Si vous placez un capital dans un coffre et que vous revenez, quelques semaines ou mois plus tard sans qu'il n'y ait eu de travail humain, il y a fort à parier qu'en ouvrant le coffre, vous retrouverez exactement la même valeur. C'est bien le travail qui produit, non le capital.

Alors, monsieur le ministre, plutôt que de vous offusquer d'un prétendu coût du travail, dont j'espère avoir fait la démonstration à l'instant qu'il n'existe pas – la démonstration n'était peut-être pas assez convaincante pour vous – , vous devriez, avec nous, vous offusquer de l'exorbitant coût du capital.

Vous connaissez ces chiffres mieux que moi : dans les années 1980, un salarié français travaillait en moyenne neuf jours par an pour rémunérer les actionnaires. Aujourd'hui, il travaille quarante jours par an. Sur la même période, la productivité a été multipliée par six, du fait des sauts technologiques que nous avons réalisés.

Par conséquent, ce qui apparaît sous nos yeux, c'est la prédation intensive, le coût exorbitant du capital, qui pompe littéralement l'activité. La financiarisation accrue de notre économie est le cancer qui ruine l'activité de ce pays. Je vous le dis, monsieur le ministre, et je pense que vous pouvez le mesurer : c'est bien le coût du capital qui nous pose un véritable problème.

Par ailleurs, vous avez expliqué que nos entreprises doivent être compétitives, que la compétitivité est le moteur de votre action. De mon point de vue, cela éclaire notre débat.

Je vous reconnais l'honnêteté intellectuelle d'avoir précisé en quoi, selon vous, réside la compétitivité, ce qui facilite nos échanges. Vous avez dit qu'être compétitif, c'est produire moins cher. Nous tenons là le coeur du problème car le moins cher, en tant que choix de société, est discutable.

Derrière chaque entreprise, chaque producteur devant produire du moins cher, derrière chaque consommateur qui, avec son pouvoir d'achat faible est aussi en recherche de moins cher, il y a une production. Or, la plupart du temps et d'autant plus lorsque la compétition reste en toile de fond, produire moins cher c'est produire dans des conditions sociales dégradées, dérégulées, c'est réduire les droits ou produire dans des conditions environnementales détestables – car c'est souvent la production la plus dégueulasse qui coûte le moins cher. Nous devons nous interroger sur ce modèle. Face aux grands défis qui devraient tous et toutes nous rassembler, au premier rang desquels figure la question climatique, le modèle de la compétition et du moins cher est obsolète.

Nous tenons là le coeur de ce sur quoi doivent porter nos débats, qui sont non pas idéologiques mais, au contraire, puissamment pragmatiques et inscrits dans les enjeux que nous devons poursuivre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.