Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du jeudi 6 septembre 2018 à 9h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Merci, monsieur le professeur, pour cet éclairage très intéressant et utile à notre réflexion.

Vous évoquez l'extension de la PMA à toutes les femmes. La loi autorise désormais les femmes, en particulier les couples de femmes homosexuelles, à adopter des enfants. Comment leur interdire la PMA ?

Vous vous interrogez sur l'équilibre psychique des enfants nés de PMA, y compris au sein de couples hétérosexuels dès lors qu'intervient un tiers donneur. Plutôt que de s'interroger, n'est-il pas plus efficace de regarder les nombreuses études qui ont été réalisées dans différents pays sur ces enfants ? D'après ces études, il est essentiel que l'enfant soit correctement informé. Quand c'est le cas, on ne remarque pas, semble-t-il, de troubles psychologiques majeurs. On peut en discuter mais, en tout cas, les interrogations que l'on pourrait avoir a priori ne semblent pas confirmées par des études psychologiques effectuées pour la plupart dans des pays anglo-saxons. On peut difficilement faire des études en France dans la mesure où ces procédés n'y sont pas autorisés.

La connaissance de certaines informations sur le donneur semble être essentielle, ce qui pose la question de la levée partielle du principe d'anonymat sur laquelle j'aimerais avoir votre avis.

En ce qui concerne les enfants nés de gestation pour autrui (GPA) à l'étranger, je devine votre point de vue mais j'aimerais vous entendre l'exprimer. Selon vous, comment traiter cette question et corriger certaines conséquences subies par des enfants qui ne sont pas responsables de leur mode de procréation ?

Dans un article, vous exprimiez un peu la même réticence que M. Jean-François Mattei concernant la révision périodique des lois de bioéthique, qui, par une sorte d'effet de cliquet, irait systématiquement dans le sens de l'octroi de droits additionnels. Comment faire autrement dans la mesure où l'évolution des techniques est de plus en plus rapide, comme le résumait très bien M. Jean-François Delfraissy ? Avec le président Xavier Breton, nous en étions à nous dire qu'il fallait bien « codifier » cette analyse périodique pour tenir compte des nouvelles questions qui se posent. Il faut tenir compte à la fois des progrès et des questions de la société, qui deviennent très nombreuses chaque année.

Vous avez traité du principe d'autonomie à diverses reprises. Ce principe a été évoqué dans l'Antiquité par certains philosophes et il s'est développé au début de la chrétienté. Il a été étudié par Montaigne à la Renaissance, puis par les humanistes du Siècle des Lumières. À une époque qualifiée de post-moderne, nous constatons une évolution faisant même parler d'individualisme. Pourriez-vous revenir sur cette évolution et sur les craintes qu'elle vous inspire ? Vous insistez sur le bénéfice de ce principe d'autonomie mais vous citez des limites et des risques potentiels qui pourraient survenir si nous allions trop loin dans ce sens.

En ce qui concerne les éléments du corps humain, je partage certaines de vos options. Pour les dons d'organes, le principe de gratuité et les contrôles permettent d'éviter à la France de connaître les trafics qui existent dans de nombreux pays. Le don d'organes qui ne reposerait plus sur le consentement présumé ferait courir d'immenses risques aux malades mais aussi à notre société. Il y a deux jours, j'ai publié une tribune dans le Huffington Post sur ce sujet. Nous pourrions en parler plus longuement, si vous le souhaitez.

Je vous rejoins sur la gratuité des éléments du sang. Nous sommes tous pour la gratuité et l'anonymat, mais nous transgressons ces principes. Nous sommes hypocrites. Ce que vous avez dit du plasma est vrai aussi pour les autres dérivés du sang : les immunoglobulines, destinées aux patients atteints d'une agammaglobulinémie, sont produites essentiellement par des laboratoires étrangers qui payent leurs donneurs. Les produits injectés à nos malades sont fabriqués à partir de sang payé mais on continue à dire que les dons doivent être gratuits. D'une façon ou d'une autre, il nous faudra résoudre cette contradiction.

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