Intervention de Pierre le Coz

Réunion du jeudi 6 septembre 2018 à 9h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Pierre le Coz, Professeur de philosophie à la faculté de médecine de Marseille, président du comité de déontologie de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) :

Personne ne dit que cette femme ne doit pas avoir d'enfant. Le problème vient de ce qu'elle mobilise la société en lui demandant de faire des choix de priorité, alors que l'on sait que tout n'est pas possible pour tout le monde en même temps. Vous n'êtes pas sans savoir que nous allons connaître une pénurie de gamètes, car nous aurons toujours plus de demande pour cette ressource, et qu'il faudra établir des priorités, ce qui entraînera des risques de marchandisation.

Chaque pays a ses traditions ; nos voisins suisses trouvent normal que l'on permette à quelqu'un d'aider un proche à mourir par suicide, ce qui heurte certains chez nous. Parmi les diverses ethnies et cultures, vous trouverez tous les modèles de société possibles. On est toujours renvoyé à la solitude de son choix, quand bien même on dira : « Regardez ce qu'ils font en Italie, en Allemagne, en Suisse. » Ce qui compte, c'est l'intérêt de l'enfant. Vous vous inquiétez moins de ces pays et dites qu'il faut prendre exemple sur l'Espagne, mais il faut pouvoir démontrer que ce pays a raison contre, par exemple, l'Allemagne ; cela demande de mobiliser des arguments et ce n'est pas facile.

S'agissant de l'aspect moral que vous avez évoqué, nous sommes confrontés à un dilemme entre ce désir tout à fait légitime des adultes et les besoins affectifs de l'enfant, pour lesquels la contribution des pères est reconnue par notre société, puisque 93 % de nos concitoyens pensent que le père est irremplaçable et que l'homme et la femme sont complémentaires. Je rappelle que notre système date du droit romain ! Ce n'est donc pas rien d'affirmer en 2018 que nous sommes arrivés à la « fin de l'histoire », de regarder toutes les sociétés avec une certaine condescendance en considérant qu'elles étaient dans l'égarement et l'obscurantisme alors que nous détiendrions une lucidité supérieure et saurions, nous, comment doit fonctionner une société.

Pourquoi toutes les sociétés ont-elles été fondées sur cette complémentarité de l'homme et de la femme ? Lévi-Strauss et tous les anthropologues l'ont montré : cette complémentarité est consubstantielle à l'organisation de toutes les sociétés.

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