Au nombre des sujets auxquels la Ligue s'intéresse plus particulièrement figurent la procréation artificielle, la fin de vie, les données de santé, la relation entre santé et environnement et l'intersexualité. Je traiterai de la procréation artificielle, sujet qui, il y a un an environ, a fait l'objet d'une déclaration cosignée par la Ligue sous la forme d'une tribune parue dans le journal Le Monde avant le lancement des États généraux de la bioéthique mais après que le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) a rendu son avis sur cette question. La position exprimée par la LDH n'est évidemment pas d'affirmer un droit à l'enfant, qui n'existe pas. En revanche, le principe de non-discrimination qui la guide implique qu'elle défende l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP) à toutes les femmes, qu'elles soient en couples ou célibataires. Á l'inverse, la Ligue est très réservée au sujet de la gestation pour le compte d'autrui (GPA).
Pour ce qui est de l'AMP, la Ligue considère qu'il faut repartir de la décision prise par le législateur qui, en 1994, a choisi de régir des interventions jusqu'alors réalisées par les médecins et les centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains (CECOS) avec leurs seules règles éthiques. S'agissant de l'AMP, il a choisi de mimer le modèle naturel, charnel, de procréation, ce pourquoi l'accès aux techniques d'AMP est actuellement réservé aux couples formés d'un homme et d'une femme vivants, en âge de procréer et souffrant d'une infertilité médicalement diagnostiquée. Une autre hypothèse a toutefois été prévue : l'ouverture de l'AMP quand existe un risque de transmission d'une maladie grave à l'enfant, puis, a-t-il été ajouté, au conjoint. Un autre choix eût été possible : puisqu'il ne s'agissait plus de procréation naturelle mais d'user de techniques de procréation, le législateur aurait pu admettre l'artificialité et d'autres modèles de procréation.
Il nous semble que, conformément au principe de non-discrimination, un autre choix est nécessaire aujourd'hui : exclure les couples de femmes de l'accès à l'AMP est tout simplement une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Certes, le principe de non-discrimination n'empêche pas de traiter différemment les personnes dès lors qu'il y a à cela un motif légitime, en particulier si les personnes sont dans des situations différentes. La question est donc de savoir si un couple de femmes est dans une situation différente d'un couple hétérosexuel pour l'accès à la parentalité. Il nous semble que le législateur a déjà répondu à cette question en admettant, par la loi Taubira de 2013, qu'un couple d'homosexuels mariés peut adopter. En admettant que les couples homosexuels mariés peuvent devenir parents, le législateur dit qu'ils ne sont pas dans une situation différente de celle des couples hétérosexuels par rapport à la parentalité.
Il nous semble donc qu'il faut désormais, pour respecter le principe de non-discrimination, ouvrir l'AMP aux couples de femmes – d'autant que cela n'oblige en rien à modifier la technique, le législateur ayant aussi admis, dès 1994, que l'AMP pouvait avoir lieu avec un tiers donneur. Il en est déjà parfois ainsi pour les couples hétérosexuels ; ce serait toujours le cas s'agissant des couples de femmes, mais la technique utilisée ne serait en rien modifiée. Quant à l'argument selon lequel la condition d'infertilité médicalement diagnostiquée ne serait plus respectée, il est spécieux : en pratique, nombre de couples hétérosexuels ont accès à une AMP sans que le diagnostic médical soit véritablement posé sur la fertilité : selon les chiffres officiels, dans un quart des cas la cause de l'infertilité n'est pas diagnostiquée.
Nous sommes également favorables à l'ouverture de l'AMP aux femmes célibataires, considérant que, à défaut, elles seraient victimes d'une discrimination fondée sur la situation familiale. La Ligue estime qu'il n'y a pas de différence de situation entre couples et célibataires : le législateur ayant admis que des célibataires peuvent adopter, ils ont déjà accès à la parentalité.
Dans l'hypothèse de l'élargissement des indications de l'AMP, la LDH est favorable à une prise en charge générale, quelles que soient les situations et les causes, là encore pour respecter le principe de non-discrimination. Et si la prise en charge devait être remise en cause dès lors que l'AMP n'a pas un motif médical, la distinction devrait s'appliquer aussi aux couples hétérosexuels : ils ne devraient plus pouvoir prétendre à la prise en charge que pour des motifs médicalement avérés, ce qui semble problématique.
Le principe du respect de l'intégrité du corps des femmes conduit la Ligue à considérer que l'interdit de la GPA est légitime. En l'espèce, le principe de non-discrimination est inopérant. On entend parfois dire que si l'AMP était élargie aux couples de femmes et aux femmes célibataires, ce seraient les hommes, en couple ou célibataires, qui seraient alors victimes d'une discrimination, étant alors les seuls à ne pas avoir accès à une procréation artificielle leur permettant un lien génétique avec l'enfant. Or, le principe de non-discrimination s'applique pour une technique ou pour un droit existant – et si l'AMP avec tiers donneur est déjà légale en France, la GPA est prohibée. Elle supposerait l'usage d'une nouvelle technique, et la disposition du corps d'une femme ; la situation est donc autre, et le simple principe de discrimination ne rend aucunement automatique cette ouverture, qui supposerait que le législateur revienne sur le principe de l'indisponibilité du corps humain.
Cela étant, la Ligue est attentive à la situation des enfants nés d'une GPA pratiquée légalement à l'étranger. Mais sur ce point, le droit, grâce à la jurisprudence, a beaucoup évolué, et il nous semble largement satisfaisant.