Intervention de Tatiana Gründler

Réunion du jeudi 13 septembre 2018 à 10h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Tatiana Gründler, membre du groupe de travail Santé-bioéthique de la Ligue des droits de l'homme :

Même si l'on peut exprimer certaines réserves sur sa mise en oeuvre pratique, le processus suivi est tout à fait original et l'on peut difficilement faire plus démocratique, sur le papier en tout cas. Le fait que le législateur s'empare de ces questions et prévoit que les lois de bioéthique seront révisées régulièrement est en soi une approche démocratique. Que, de plus, préalablement à la révision, soit nécessairement engagés des États généraux, que l'on invite les citoyens à participer directement à l'élaboration du nouveau texte, c'est évidemment positif. Mais il est difficile de faire participer les citoyens à des débats portant sur des sujets techniques. De multiples questions se posent donc, notamment lors des débats organisés sous l'égide des espaces régionaux d'éthique, sur la formation des personnes : elle est évidemment faite par des savants, mais les experts sont rarement neutres. La formation par des experts paraît difficilement évitable, mais elle crée une situation complexe.

D'autre part, le président du CCNE craignait dès l'origine que les débats se concentrent sur certaines questions seulement – non sans raison, puisque c'est advenu. Pendant les États généraux de la bioéthique, je suis intervenue sur la procréation artificielle, mais même si la Ligue considère ce sujet comme très important pour la société, là ne sont pas les questions que posent les nouvelles technologies. Que par de longs débats, de multiples interventions sur le site et des propositions spontanées, les citoyens se soient focalisés sur cette question et sur celle de la fin de vie est très intéressant pour prendre le pouls de la société, mais cela ne me semble pas parfaitement éclairer les décideurs que vous êtes.

Enfin, on a constaté que des lobbies se sont aussi emparés de la question. Ceux-là défendent un intérêt particulier et non l'intérêt général. Il y a eu beaucoup d'interventions de type « copié-collé », et l'on sait que les lobbies étaient aussi très organisés et très présents dans les régions ; cela fait s'interroger sur l'influence des groupes de pensée, des entreprises marchandes et des sociétés savantes sur le débat citoyen.

Pour avoir lu le rapport du CCNE sur les États généraux, j'ai été frappée de voir revenir systématiquement la demande d'information des citoyens. Quel que soit le sujet abordé – les données de santé, l'intelligence artificielle, la recherche en génétique… – les gens expriment systématiquement le sentiment de ne pas être suffisamment informés, alors même qu'ils sont là, et la volonté d'en savoir plus. Il faut entendre cette demande répétée et y faire droit en dehors de ces grands moments de consultation ; c'est une nécessité pour que les citoyens puissent faire front. Si l'on veut réellement un lien avec le citoyen, un peu d'éducation à la technique me semble nécessaire.

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