Intervention de Didier Migaud

Réunion du lundi 24 septembre 2018 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques :

Ce n'est pas le Haut Conseil qui effectue les prévisions. Ses avis sont élaborés à partir des travaux réalisés par les organismes internationaux, les économistes et les conjoncturistes. Or, les économistes s'accordent tous pour situer la croissance en 2018 autour de 1,6 % ou 1,7 %, ce qui nous permet d'affirmer, me semble-t-il, que l'hypothèse du Gouvernement est « crédible ». Pour 2019, les prévisions du Gouvernement se rapprochent également du consensus des économistes.

Si nous avons néanmoins distingué 2018 et 2019 et utilisé des termes différents, c'est que le niveau d'incertitude est plus fort pour 2019, avec toutes les conséquences que cela emporte, étant entendu que le pire n'est jamais certain non plus.

Dans la mesure où, en 2017, nous avions gagné de la croissance, nous avons jugé, dans notre avis de septembre 2017, qu'un taux de croissance de 1,7 % était réaliste. Nous n'en serons pas loin, peut-être même l'atteindrons-nous, car il faut raisonner sur l'année entière. Si, sur les deux premiers trimestres, la croissance s'est révélée inférieure aux prévisions, du fait notamment de l'effet décalé des différentes mesures fiscales, les données dont nous disposons nous laissent penser qu'il devrait y avoir un rebond de la consommation au second semestre.

Pour coller aux anticipations, il faudrait atteindre une croissance de 0,5 %, si toutefois l'INSEE ne révise pas ses prévisions pour les premier et deuxième trimestres, à la hausse ou à la baisse. Ces dernières années, en effet, l'Institut a assez régulièrement revu ses estimations de l'activité et de la croissance, avec parfois deux ans de décalage. Cela doit vous inciter à relativiser des divergences d'appréciation qui portent sur 0,1 point...

Quant aux qualificatifs utilisés, ils sont en effet variés, moins par élégance que par souci de traduire au plus près nos conclusions.

Faut-il en déduire quelque chose quant à la sincérité de ces prévisions ? Le Haut Conseil des finances publiques ne s'est jamais exprimé sur cette sincérité. Ce que nous avons dit une fois, c'est que, compte tenu des éléments dont nous disposions sur le scénario macroéconomique et sur le scénario de finances publiques, nous estimions effectivement que ce qui nous était présenté était improbable, voire incertain. Ce n'est pas au Haut Conseil d'apprécier la sincérité. La Cour, pour sa part, a raisonné a posteriori et relevé non pas une insincérité globale mais des éléments d'insincérité, ce qui est différent, mais je ne reviens pas sur ce débat.

Ce que nous disons, c'est que, effectivement, les prévisions macroéconomiques nous paraissent crédibles, que le scénario de finances publiques nous apparaît plausible, compte tenu des informations dont nous disposons, avec un facteur d'incertitude plus fort en 2019. J'ajoute que le scénario de finances publiques n'est réalisable que s'il n'y a pas d'écart concernant l'exécution de la dépense, car ce scénario repose sur un objectif que l'on peut qualifier d'ambitieux quand on raisonne par rapport à un passé. Outre l'hypothèse de croissance et donc de recettes, il faut que l'exécution des dépenses de l'État comme de la sécurité sociale ou des collectivités locales soit bien « en ligne ». C'est ce que nous disons, en appelant à la vigilance.

Quant au déficit structurel, même si le Gouvernement ne s'est pas engagé au-delà de ce qu'il présente aujourd'hui, force est de constater que ce n'est pas en ligne avec les engagements européens. L'ajustement structurel de 0,3 point de PIB annoncé pour 2019 nous paraît quelque peu optimiste.

Il n'y a pas de raison, cependant, pour que la consommation ne rebondisse pas au second semestre, et les prochains trimestres devraient être meilleurs que les deux premiers.

En 2019, compte tenu du prélèvement à la source et d'une revalorisation des retraites moindre que l'inflation, un fléchissement n'est pas impossible, mais, encore une fois, il faut raisonner sur l'ensemble de l'année.

Or, qu'en sera-t-il des répercussions de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine ou, nonobstant les compromis passés, entre les États-Unis et l'Europe ? Elles seront modestes, mais pourront être beaucoup plus graves si c'est effectivement, à moyen terme, une guerre commerciale qui se poursuit. C'est d'ailleurs ce que nous disons lorsque nous évoquons des incertitudes qui peuvent être plus fortes en 2019 et au cours des années suivantes que maintenant. Cependant, le risque qu'elles se concrétisent en 2019 reste modeste, si nous en croyons les informations dont nous pouvons disposer. Bien évidemment, un engrenage entre États-Unis et Chine pourrait avoir des conséquences sur le prix des produits en Chine, sur la politique monétaire conduite aux États-Unis, sur les pays émergents et sur l'activité mondiale. Il faut donc suivre tout cela de très près et en analyser les conséquences.

Quant à la croissance de la dépense, un indice des prix à la consommation plus élevé que prévu dans la loi de programmation des finances publiques et dans le programme de stabilité peut expliquer les différences que nous retrouvons aujourd'hui dans le PLF pour 2019.

Le déficit se réduirait de 0,3 point, ou de 0,5 point une fois corrigé des mesures temporaires – il s'agit là du déficit nominal. Cela tient largement à la composante conjoncturelle ; il ne faut pas oublier la faiblesse de l'effort structurel. La moindre réduction du déficit structurel serait de 0,1 point en 2018, de 0,3 point en 2019, alors que la moyenne était plutôt de 0,5 point entre 2010 et 2017. L'effort de réduction du déficit structurel faiblit donc en 2018 et 2019.

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