Intervention de Anne-Marie Leroyer

Réunion du jeudi 6 septembre 2018 à 10h20
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Anne-Marie Leroyer :

J'y venais puisque Mme Thill a évoqué cet argument médical et que vous avez bien voulu le rappeler, monsieur le président. Il est essentiel et sans doute plus puissant que celui du droit à l'enfant. Là encore, ce n'est pas un argument juridique, mais médical.

Quel est le rôle de la médecine ? Dans la première hypothèse, vous l'avez dit, on vient « réparer quelque chose », l'infertilité étant « pathologique ». Le rôle de la médecine est alors de soigner. À l'inverse, dans l'autre hypothèse, l'infertilité n'est pas pathologique et donc les médecins ne soignent plus. Cette argumentation est très largement développée par ceux qui posent la question du rôle de la médecine.

La médecine qui consiste à faire une distinction selon que l'infertilité est pathologique ou sociale n'a rien d'une médecine de convenance – comme on l'entend parfois. Les médecins le disent : aider les couples à avoir des enfants est également lié à la politique nataliste. Par ailleurs, les médecins sont souvent plongés dans une situation plus ambiguë qu'elle n'y parait, notamment lorsque des couples hétérosexuels ne peuvent pas avoir d'enfants, sans qu'aucune raison médicale ne l'explique et qu'aucune infertilité pathologique n'ait été constatée… Or, même dans ces cas, ils leur donnent accès à l'assistance médicale à la procréation. Il s'agit simplement de pallier une impossibilité de la vie, pour une raison qu'on ignore.

Placés dans cette situation, les médecins s'interrogent : devraient-ils refuser l'accès à l'assistance médicale à procréation aux couples concernés, même si c'est une toute petite partie de leur activité, au motif que l'infertilité n'est pas pathologique ? Où est la frontière entre le pathologique et le non pathologique, entre le « normal » et l'« anormal » ? Michel Foucault démontre très bien dans L'histoire de la folie à l'âge classique qu'il n'y a pas de normal et d'anormal. Il est difficile pour le médecin de savoir ce qui est pathologique et ce qui ne l'est pas, comme pour l'individu de savoir ce qui est normal et ce qui ne l'est pas.

L'argument que vous avez avancé peut donc s'effacer dans le cadre d'une autre conception de la normalité, du pathologique et du non pathologique. En conclusion, quand on s'interroge sur le pathologique, le normal et l'anormal, on ne fait pas que discuter sur les mots, même si la critique est extrêmement puissante.

M. de Courson m'a ensuite interrogée sur deux points, que je le prie de me rappeler.

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