Intervention de Anne-Marie Leroyer

Réunion du jeudi 6 septembre 2018 à 10h20
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Anne-Marie Leroyer :

La question que vous posez est très importante car elle concerne l'égalité entre les couples d'hommes et les couples de femmes dans l'accès à la procréation. C'est d'ailleurs le contre-argument utilisé contre l'ouverture de l'assistance médicale à procréation aux couples de femmes, au motif que, si on le fait pour les femmes, on va devoir le faire pour les hommes, et donc ouvrir la gestation pour autrui, ce qui nous entraînerait sur une pente fatale et aboutirait à ce que l'on ne voulait pas.

Comme vous le savez, l'égalité en droit est soumise à des conditions très strictes. La notion de discrimination ainsi interprétée, tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour de cassation, la Cour européenne des droits de l'homme ou la Cour de justice de l'Union européenne, répond à des conditions très strictes.

Lorsqu'un contrôle de proportionnalité est opéré en matière d'égalité ou de discriminations, ces conditions sont rappelées. Quelle est la première condition ? Les personnes placées dans des situations semblables sont-elles traitées de manière dissemblable ? En matière d'accès médical à la procréation – qu'il s'agisse d'AMP ou de GPA –, les couples de femmes et les couples d'hommes sont-ils placés dans des situations semblables ? Si l'on considère que ces couples sont placés dans des situations semblables et qu'ils sont traités de manière différente, alors il y a discrimination.

Dans ce cas, il convient de se poser une deuxième question : cette discrimination est-elle proportionnée au but poursuivi ?

Dans le cas qui nous occupe, les situations sont-elles semblables ? On peut en douter. Les situations ne sont pas semblables car, biologiquement, les personnes ne sont pas semblables. On ne peut donc aller plus loin et dire que la consécration de l'AMP va conduire à la consécration de la gestation pour autrui sur le fondement de l'inégalité.

Si tant est que l'on considère les situations comme semblables au regard de l'égal accès à la procréation – je ne crois pas du tout à cette interprétation, mais essaie d'aller au bout du raisonnement – et que les couples sont traités de manière différente, ce traitement différent est-il proportionné, rationnel et justifié par rapport au but poursuivi ? Là encore, la réponse est positive car le fait de traiter de manière dissemblable ces deux catégories de couples est justifié par rapport au but poursuivi. Quel est ce but ? En interdisant la gestation pour autrui, on souhaite protéger les femmes et les enfants. Cette considération d'intérêt général, primordiale, justifie l'inégalité de traitement.

Juridiquement, le raisonnement se tient dans les deux cas.

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