Intervention de Frédérique Dreifuss-Netter

Réunion du jeudi 13 septembre 2018 à 9h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Frédérique Dreifuss-Netter, conseillère à la chambre criminelle de la Cour de cassation :

Quand on parle d'adoption, on pense à l'enfant confié au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou à une oeuvre privée et à qui il s'agit de donner une famille – ce qui suppose un processus pré-judiciaire de sélection et de délivrance de l'agrément pour être sûr que la famille sera capable de s'occuper d'un enfant. Mais il y a d'autres formes d'adoption car cette technique juridique a aussi d'autres objectifs. Ainsi de l'adoption de l'enfant du conjoint, qui n'a rien de nouveau – une femme qui a eu un enfant seule peut très bien faire adopter cet enfant par son futur conjoint ; actuellement, cela n'est possible que dans le cadre du mariage. C'est une fonction de l'adoption un peu différente de celle décrite précédemment. De même, on sait très bien que l'adoption simple peut être utilisée à des fins purement successorales, dans l'intérêt d'une personne qui veut transmettre ses biens et éviter qu'ils ne tombent en déshérence ou soient alloués à sa famille éloignée. C'est donc exprimer une vision réductrice de l'adoption de dire qu'il s'agit dans tous les cas de donner une famille à un enfant.

L'argument de la discrimination est valide, mais encore faut-il savoir ce que l'on entend par « discrimination ». Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel en donnent une définition juridique : c'est « traiter de façon différente des personnes qui sont dans la même situation », et encore peut-on traiter de façon différente des personnes qui sont dans la même situation lorsque la loi poursuit un but légitime et que la différence est proportionnée. La discrimination est donc une affaire beaucoup plus compliquée que de dire simplement : « On les traite différemment, donc c'est de la discrimination ». On peut penser qu'il y aurait une discrimination liée à l'orientation sexuelle et il est possible que le Parlement parvienne à cette conclusion, mais on peut très bien admettre que les couples formés de deux femmes sont, pour des raisons biologiques, dans une situation différente de celles des couples formés d'un homme et d'une femme.

Il est délicat, Madame Buffet, de dire jusqu'où aller dans la législation, car la loi ne pourra jamais prévoir toutes les possibilités et, quel que soit le texte adopté, il existera toujours des couples placés dans une situation qui les amènera à devoir le transgresser ; on va déplacer le curseur, mais des gens, parce qu'ils trouveront la loi française encore trop restrictive, continueront de la transgresser et d'aller à l'étranger. Cette question ne peut avoir de réponse parce que la loi, générale et impersonnelle, ne peut pas prévoir toutes les situations individuelles et que les gens veulent toujours aller plus loin que ce qui est autorisé.

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