Ce texte est vide. Votre objectif est atteint : vous semez le renoncement de l'État et vous récoltez un mécontentement généralisé de tous les acteurs.
C'est sans aucun doute ce bon sens qui a conduit à ce que l'industrie agro-alimentaire augmente ses marges de 50 %, et la grande distribution de 100 % les siennes, en quinze ans. Pendant ce temps, les agriculteurs ne captent plus qu'une infime partie de la chaîne de valeur de notre production alimentaire, avec 6 % seulement. C'est évidemment insuffisant pour vivre correctement du travail qu'ils fournissent et cela les pousse bien souvent à l'irréversible – mais sans doute manquent-ils de bon sens.
On ne peut parler de revenu paysan sans évoquer la politique agricole commune et l'orientation libérale prise en 1992 pour se fondre dans le moule de l'Organisation mondiale du commerce. On en voit aujourd'hui le résultat : la faillite politique d'un dogme qui n'a fait qu'accentuer le dumping social et environnemental.
L'Union européenne reste seule à soumettre encore son agriculture aux lois dérégulées du marché, quand l'Inde, la Chine et les États-Unis ont décidé de protéger leur production. Au nom de ce dogme, vous acceptez les traité de libre-échange que sont le CETA – l'accord économique et commercial global avec le Canada – , le JEFTA – l'accord de libre-échange entre le Japon et l'Union européenne – , l'accord entre l'Union européenne et le MERCOSUR – le marché commun d'Amérique du Sud – , ou encore ceux que l'Union européenne impose aux pays africains. Ces traités injustes permettent des exportations qui tuent les agricultures locales et la pêche vivrière, et affament les familles sur ce continent. En cascade, vous acceptez donc la tiers-mondisation de l'agriculture européenne et la destruction des agricultures des pays du Sud.
Et comment qualifier cette politique agricole commune et ses aides découplées qui poussent à l'agrandissement des exploitations par absorptions successives ? En ne la remettant pas en cause, vous privilégiez un modèle qui, de l'avis de tous les agronomes, est une hérésie, y compris en termes d'efficacité économique. Aujourd'hui ces grandes unités vivent majoritairement de primes européennes, bien plus que les petites fermes, plus diversifiées, plus résilientes et économiquement plus autonomes. Un cinquième des agriculteurs européens, les plus gros, accaparent les quatre cinquièmes des aides directes de la PAC. En France, les 10 % de producteurs les plus aidés captent près de 40 % de ces aides directes. De fait, deux visions politiques s'affrontent, deux conceptions de l'avenir de notre agriculture.
C'est également le cas pour le volet environnemental. Vous refusez d'accepter l'ampleur de l'urgence écologique. Le constat est pourtant indiscutable : nos sols agricoles sont devenus des substrats morts, sans microfaune, tués par l'usage massif et continu de pesticides. Les parcelles immenses et nues, débarrassées de leurs arbres et de leurs haies, sont devenues des accélérateurs du changement climatique et ne remplissent plus aucun rôle pour la biodiversité, sinon en participant à son déclin.
Votre vision n'en est pas une : c'est un aveuglement volontaire quant à la nécessité absolue d'anticiper le changement de notre système de production agricole. Vous vous abritez derrière des impasses techniques pour ne pas inscrire dans la loi la sortie du glyphosate. Or, monsieur le ministre, quand on se trouve dans une impasse, la logique ne veut-elle pas que l'on fasse demi-tour ? Je vous rappelle à ce sujet que la promesse du « champion de la terre » de sortir en trois ans de cette utilisation du glyphosate remonte déjà à un an.
Toutefois, si grave et symbolique que soit l'affaire du glyphosate, elle ne peut faire oublier la cohorte de pesticides qui l'accompagne. Là encore, votre credo est de ne rien faire.
J'ai rédigé un amendement, et même une proposition de loi, visant à exclure les plus dangereux de ces produits de la proximité des écoles et des habitations : 200 mètres sans produits cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques ou perturbateurs endocriniens. Mais sans doute est-il trop radical de vouloir protéger nos concitoyens et nos agriculteurs du cancer ou de dysfonctionnements hormonaux.
Vous qui, comme moi, êtes père de famille, permettez-moi de vous raconter ma rencontre fortuite de samedi dernier avec cet homme, habitant au milieu d'une zone viticole, qui m'expliquait les désastres que cela représentait pour la santé de sa fillette. En me souhaitant bon courage, il exprimait en fait son espoir que les décisions politiques protègent ses enfants, qu'il n'a pas les moyens de soustraire à cet environnement mortifère. Monsieur le ministre, n'avez-vous pas de mémoire ou pas de coeur – à moins que ce ne soit ni l'un ni l'autre ?
Ce changement de modèle est souhaitable et il est souhaité par un nombre croissant de paysans enfermés dans le cercle vicieux de l'extension, de l'intensification et de l'investissement, pour le plus grand profit de quelques marchands de semences brevetées, de pesticides, d'agro-équipements et de crédits qui suivent ce cortège macabre, tels des croque-morts du monde paysan.
Vous avez également oublié que votre ministère était celui de l'agriculture et de l'alimentation, et que cette loi avait aussi pour objet une alimentation saine et durable. Là encore, pas d'action du ministère, mais seulement votre croyance que la bonne volonté des industriels suffira.
Vous étiez récemment auditionné par la commission d'enquête sur la malbouffe, créée à l'initiative de la France insoumise et dont j'étais le président, qui vient de rendre son rapport. J'espérais, en naïf optimiste, que vous alliez tenir un discours résolu et offensif pour promouvoir et soutenir, par exemple, les projets alimentaires territoriaux et les circuits courts, …