Ce texte n'est même pas « à moitié vide, à moitié plein », comme on dit chez nous. Il n'est même pas tiède, il est tout simplement froid : froid comme un projet qui a perdu de sa vitalité dans les méandres des contraintes et des pressions exercées par les uns et les autres ; froid aussi à cause du vent glaçant ultralibéral qui a soufflé depuis l'Élysée et qui laisse aux filières le soin de se débrouiller. Aide-toi et Jupiter t'aidera !
Ce texte est d'abord une déception sur la forme. De trop nombreux amendements déposés par des députés de tous bords ont été balayés en seconde lecture. Nous sommes bien loin de l'état d'esprit de la première lecture, où nous avions pu travailler ensemble et trouver des consensus, notamment sur le titre I, afin que le texte réponde au mieux à sa vocation économique pour notre agriculture.
C'est aussi une déception sur le fond car le compte n'y est vraiment pas. Plusieurs sujets majeurs ont été totalement dévoyés, mis de côté ou mal appréhendés, à commencer par les indicateurs de prix, qui ne vont finalement pas indiquer grand-chose : aucune obligation, aucune sanction n'est prévue pour assurer leur mise en place. Les filières et les interprofessions doivent se débrouiller toute seules. Que se passera-t-il s'il n'y a pas d'interprofession ? Ou si un acteur de l'interprofession y fait obstacle ? L'État régalien, l'État gaullien est jeté aux orties ; la puissance publique est transformée en résilience publique.
Le médiateur, ensuite, qui restera un simple casque bleu dans une guerre sans merci. Il ne sera que le spectateur d'une soi-disant négociation, où les acteurs ne seront pas sur un pied d'égalité. Sans armes, sans moyens, sans pouvoir, il restera ce qu'il est aujourd'hui : un alibi. Les puissants feront durer les négociations, feront traîner les procédures et useront les agriculteurs, tandis que le médiateur de l'État restera sagement dans son rôle de notaire, attendant un accord qui ne viendra jamais.
Troisième point sur lequel le texte n'est pas assez ambitieux : le contrôle et la maîtrise de la cartellisation des centrales d'achat. Celles-ci vont continuer à faire la pluie et le beau temps. Qui plus est, on peine à croire que l'encadrement des promotions et l'instauration d'un seuil de revente à perte entraîneront le ruissellement espéré vers les producteurs et auront une quelconque répercussion positive sur leurs revenus. On est même en droit de penser que les grandes surfaces se frottent déjà les mains, puisque leurs marges vont être augmentées d'autorité par la loi.
Déception, enfin, parce que ce texte multiplie les contraintes pour nos producteurs, les territoires et nombre d'entreprises. Il va entraîner une hausse des coûts de production qui va impacter négativement le revenu des agriculteurs et celui de certaines entreprises, notamment dans le secteur de la plasturgie, faute d'étude d'impact.