Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du mercredi 3 octobre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 44

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Permettez-moi d'exposer précisément l'opération que nous voulons faire, car Charles de Courson, Éric Woerth et Daniel Fasquelle m'ont posé un grand nombre de questions à ce sujet, auxquelles je souhaite répondre dans le détail.

D'abord, je veux expliquer ce que nous ne faisons pas. Il aurait été extraordinairement simple pour le Gouvernement, sachant que l'État possède 50,6 % du capital et que les acteurs privés en possèdent 49,4 %, de réduire la participation de l'État. Au lieu du dispositif complexe que nous vous proposons, nous aurions pu nous contenter d'un article de loi, autorisant le Gouvernement à abaisser la participation de l'État dans ADP en dessous de 50,6 %. Je suis totalement opposé à cette solution, à tel point que je ne l'ai même pas proposée, ni au Président de la République, ni au Premier ministre. Pourquoi ne l'ai-je pas fait ? Parce qu'alors, vos craintes auraient été justifiées : ç'aurait été une privatisation sèche d'ADP ; ç'aurait été une privatisation sèche des terrains, des pistes, des organes de contrôle, des bâtiments. Or, pour moi, il n'était pas question d'aller vers une privatisation sèche, qui n'aurait pas protégé les intérêts des Français et les intérêts patrimoniaux de l'État.

Cette privatisation sèche, nous nous y sommes opposés et je répète que je ne l'ai ni envisagée, ni proposée au Président de la République et au Premier ministre. Il existe pourtant un cas, en Europe, de privatisation sèche, et c'est d'ailleurs le seul point que je conteste dans vos propos, monsieur Fasquelle – car il en est d'autres sur lesquels nous pouvons nous retrouver. Il y a un aéroport en Europe qui est totalement privatisé, avec un droit d'exploitation illimité, sans contrôle de l'État. C'est d'ailleurs le premier aéroport européen : il s'agit d'Heathrow. Je n'en tire pas d'argument, mais il figure parmi les aéroports les mieux classés au monde : il arrive à la huitième place dans le classement mondial de référence des aéroports. Gardons-nous donc de prétendre que, parce qu'un aéroport serait privatisé, il serait moins bien géré : Heathrow en est le contre-exemple. Je répète que je n'en tire aucun argument, car ce n'est pas la logique dans laquelle nous voulons entrer.

Nous ne privatisons pas sèchement ADP. Nous faisons autre chose : nous faisons une chose qui garantit la régulation à laquelle je crois. Nous mettons en place un nouveau régime d'exploitation d'ADP, avec un système de type concessionnaire sur soixante-dix ans et un cahier des charges contraignant, comprenant notamment le strict maintien des missions de service public et une régulation des tarifs sous le contrôle de l'État, qui sera décidée tous les cinq ans. Avant d'évoquer cette régulation, je veux vous indiquer, comme je l'ai déjà fait en commission spéciale, que rien n'est définitivement arrêté au sujet des modalités techniques de cette opération. J'écouterai donc avec beaucoup d'attention les propositions que vous pourrez me faire au cours de nos débats. L'État doit-il rester présent au capital, ou bien doit-il céder l'intégralité de ses actifs ? À cette question, qui m'a été posée par Éric Woerth, nous n'avons pas encore donné de réponse définitive. J'écouterai donc avec attention vos arguments sur le maintien, ou non, de l'État dans le capital de la future société de type concessionnaire.

Ce qui est certain, c'est que nous voulons un projet industriel. En effet, comme Charles de Courson l'a rappelé, ADP peut devenir, et va devenir, l'un des premiers géants mondiaux de l'aéroportuaire. Ce n'est pas une opération financière que nous faisons, mais une opération stratégique et industrielle. La deuxième chose qui est certaine, c'est que nous voulons un actionnariat populaire, parce qu'il faut que les citoyens français puissent s'approprier cet actif stratégique. Enfin, puisque la question m'a été posée – et je pense que Jean-Louis Bourlanges reviendra là-dessus – , nous sommes tout à fait ouverts à une participation des collectivités locales qui le souhaiteraient. J'ai écouté les débats qui ont eu lieu en commission spéciale : je n'arrive pas avec un projet entièrement ficelé, qui serait à prendre ou à laisser. J'ai trop de respect pour la représentation nationale pour procéder de cette manière.

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