La question, centrale, se pose ici de la même façon que pour La Française des jeux et ADP. Rappelons, tout d'abord, que la nationalisation du gaz et de l'énergie résulta de l'application du programme du Conseil national de la Résistance, le CNR. Cette initiative, alors défendue par Marcel Paul à la Libération, avait tout son sens pour un secteur, l'énergie, lié à un enjeu profondément stratégique et à l'aménagement du territoire, à l'alimentation de nos industries comme de nos logements en chauffage, en services essentiels.
L'idée était alors de préserver une capacité d'orientation et d'organisation stratégiques, mais aussi d'assurer une mainmise sur l'utilisation de ressources qui, nécessaires à la production d'énergie, constituent des biens communs pour notre peuple et, au-delà, pour l'humanité tout entière. Il s'agissait aussi de garantir une égalité des droits, un égal accès à l'énergie pour toutes et tous.
C'est ce qui explique notre sensibilité particulière à cette question. Même si ce n'est pas le chemin que vous empruntez, je veux donc plaider, une fois encore, pour un grand service public de l'énergie. C'est de cela que nous avons besoin pour relever les grands défis de notre temps, le défi climatique, environnemental, le défi de la planète. Nous avons besoin d'une maîtrise publique et démocratique du secteur de l'énergie, nous avons besoin d'un nouveau modèle de services publics. Je plaide pour leur démocratisation, mais nous en avons grandement besoin, je le répète, pour relever les enjeux que je viens d'évoquer.
La logique que vous suivez, celle des fusions-acquisitions et du financement par le marché, est très perverse : livrer la fabrique de l'énergie aux appétits du marché peut, je le crois, nous conduire à de graves dérives et même à des dangers. Cela ne permettra pas, en tout cas, de relever les défis qui sont devant nous.
C'est pourquoi j'insiste sur ces enjeux et sur la nécessité d'un grand service public de l'énergie. Nous ne nous résolvons pas, pour ce qui nous concerne, à cette dégringolade sans fin des participations de l'État. La possession d'actions, avez-vous dit, monsieur le ministre, ne nous donne pas forcément de leviers au sein des entreprises concernées. Mais c'est justement tout le problème ! Je crois, pour ma part, que l'État doit utiliser les positions qui sont les siennes pour peser sur les orientations stratégiques. Vous nous parlez d'un marché devenu mondial, et du développement, à cette échelle, des entreprises comme Engie ; mais est-ce bien leur vocation ? Je pose la question.
Je crois, tout au contraire, qu'il nous faut un service public de l'énergie fort, qui coopère avec d'autres services publics de ce secteur en Europe et, au-delà, dans le monde. Bref, il nous faut construire un nouveau modèle, et vous cheminez à contresens.