Mais nos réflexions ont convergé sur une idée : il est nécessaire de renforcer la protection de nos pépites industrielles. Nous avons établi dix axes de travail et formulé cinquante propositions concrètes, qui ont fait relativement consensus. Si nous ne sommes pas d'accord sur le passé, nous le sommes donc sur le futur.
Cet article 55 répond à notre désir commun de donner plus de pouvoirs à l'État. Il renforce les pouvoirs de police du ministre, qui pourra désormais exiger le dépôt d'une demande préalable, retirer l'autorisation si les conditions ne sont pas respectées, exiger de nouvelles conditions, prendre des mesures conservatoires avec astreinte, suspendre les droits de vote de l'investisseur étranger, suspendre le versement des dividendes et la possibilité de disposer des actifs et charger un mandataire – aux frais de l'investisseur – de contrôler le respect des intérêts nationaux, en disposant d'un droit de veto dans les organes sociaux.
Bref, avec ce texte, nous enrichissons la palette d'actions du Gouvernement afin qu'il effectue un contrôle plus efficace. Nous nous alignons sur les meilleurs standards internationaux, à l'image des Américains qui ont récemment réformé le CFIUS en adoptant le Foreign Investment Risk Review Modernization Act – FIRRMA.
Nous rentrerons dans quelques instants dans les détails techniques. Mais je voudrais souligner d'ores et déjà plusieurs risques.
Le premier, c'est de vouloir substituer la loi au décret sur les investissements étrangers. Certains pourraient vouloir étendre celui-ci au-delà du nécessaire : tous les secteurs, toutes les entreprises deviendraient stratégiques et devraient figurer dans ce décret. Mais, si tout est stratégique, alors rien ne l'est ! Il faut faire des choix et les assumer. De plus, le décret est flexible, et par là même mieux adapté à la protection de nos fleurons industriels. La loi est plus rigide ; or ce qui était stratégique hier ne le sera pas forcément demain.
Le deuxième risque, c'est de rendre la procédure plus complexe, d'en faire quelque chose de plus séduisant sur le papier, mais qui serait inapplicable en réalité, tant par l'exécutif que par les investisseurs.
Le troisième risque, c'est d'envoyer un signal ultraprotectionniste aux investisseurs qui nous regardent. La concurrence internationale pour attirer les investissements étrangers est forte ; nous ne vivons pas dans un igloo. Nous devons donc réaffirmer que la France est heureuse d'accueillir des investisseurs étrangers, et que nous nous réjouissons qu'ils créent des emplois chez nous.
Nous avons tous, dans nos circonscriptions, des entreprises détenues par des investisseurs étrangers et qui fonctionnent très bien, dans la paix sociale et la sérénité. Chez moi, le premier employeur s'appelle Novo Nordisk ; il est danois. Chez mon voisin, l'entreprise Vorwerk produit les fameux Thermomix ; elle n'est pas française non plus. Chez chacun d'entre vous, j'en suis certain, il y a des investissements étrangers et des emplois, selon une véritable logique gagnant-gagnant. Sachons garder cet esprit et faire vivre le fameux « Choose France », tout en nous donnant la possibilité de protéger nos pépites quand les intérêts de la Nation sont en jeu.
Pendant que nous travaillions sur Alstom et STX, nous avions reçu des représentants syndicaux : pour eux, le problème, ce n'était pas le passeport de l'actionnaire, mais sa stratégie industrielle. Ne tombons pas dans cet extrême où tout investisseur étranger serait vu comme un danger pour notre nation et notre industrie. La France n'a pas besoin d'une politique ultraprotectionniste, mais d'une politique industrielle conquérante dans la compétition mondiale.