À propos de la RSE, le groupe Socialistes et apparentés s'est prononcé en demandant un rapport dans le cadre de la proposition de loi que nous avons déposée en janvier. Nous avons en outre affiné nos travaux dans deux directions.
Un amendement tend à demander l'élargissement des marchés publics en tenant compte de la RSE pour définir un cadre plus privilégié. Il s'agit, en d'autres termes, d'une réforme du code des marchés publics qui serait amorcée avec cette loi et permettrait d'orienter clairement la commande publique vers les entreprises les plus vertueuses.
Plus largement, nous militons clairement pour une sortie du reporting issu des réformes de 2008, défini par les directives européennes élaborées après la crise financière et adoptées en 2012 dans notre pays. Nous souhaitons créer un nouvel âge de la RSE, qui doit absolument prendre la forme d'un label public reposant sur une dizaine de critères qui pourraient être élaborés par le Parlement, en dialogue avec le Gouvernement, pour servir de référence à un reporting fondé sur une boussole publique.
Aujourd'hui, le B2B – business to business – pratiqué dans le cadre du reporting ne paraît pas du tout adapté : il faut sortir du cercle privé, d'une sorte d'autosatisfaction, car la capacité de changement en entreprise nous paraît vraiment trop faible par rapport aux enjeux sociaux et environnementaux. Nous proposons donc de changer d'échelle.
En tant que sociaux-démocrates, nous affirmons avec force que la puissance publique doit se réapproprier la norme culturelle. Ce n'est pas aux grandes entreprises ni aux sociétés de notation de dire ce qui est bon pour l'entreprise au XXIe siècle. Selon nous, l'authentique changement, c'est la puissance publique qui, tous les cinq ans – avec une marge de négociation qui pourrait être de 20 % des critères à chaque renouvellement démocratique, pour assurer une stabilité aux entreprises – , fixe la norme de ce qu'est une bonne entreprise.
Il appartient ensuite à des organismes de certification privés, comme cela existe dans le bio ou dans le commerce équitable, de certifier la notation des entreprises. C'est une petite révolution car nous donnons ainsi aux citoyens la capacité de se positionner vis-à-vis des entreprises, classées en trois couleurs – rouge, orange, vert – et, en tant que consommateur, en tant qu'épargnant mais aussi en tant que potentiel collaborateur, de privilégier tel ou tel modèle d'entreprise. Pour nous, la vraie révolution de la RSE, c'est un label public mis en oeuvre par des sociétés privées certifiées, apportant ainsi de la clarté à nos concitoyens – c'est très libéral, d'un point de vue philosophique.
Sans vouloir être trop long, je veux réaffirmer qu'aujourd'hui, selon une formule un peu lapidaire, le reporting, tel qu'il existe dans l'application des directives européennes, c'est une vision floue ; le CAC 40 et les normes comptables actuelles, c'est une vision borgne ; nous proposons donc une double notation. Les travaux d'Aurélia Andreu et de Florian Bercault, qui ont approfondi ces notions, pourraient conduire à différencier les charges patronales en fonction de la notation de l'entreprise dans sa cotation RSE – cela fera l'objet d'une demande de rapport. La RSE, telle qu'elle est vécue aujourd'hui, est déclarative et fait de l'autosatisfaction ; il faut donc changer d'échelle. C'est un moteur puissant : il y a la loi et les contraintes, il y a la soft law et, entre les deux, il pourrait y avoir un label public comme moteur profond du changement, donnant à la société la capacité de devenir actrice de sa propre transformation.