S'agissant de la généralisation du 112, le Gouvernement a demandé un audit à l'Inspection générale de l'administration (IGA) et à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). On cherche à diminuer la pression sur les services de sécurité, car chaque année les pompiers font face à 100 000 ou 120 000 interventions supplémentaires. Un transfert d'appels se produit en raison de l'effondrement du soutien social et médical traditionnel. Sur 80 millions d'appels d'urgence par an, 32 millions s'adressent aux services d'aide médicale urgente (SAMU), 20 millions aux pompiers et au 112 (géré dans 80 % des départements pour les sapeurs-pompiers), le reste aux autres forces. Sur ce total, sans doute 40 % des appels sont injustifiés, ce qui ralentit les secours.
La mission en cours va faire des propositions.
Par décret en Conseil d'État qui devrait pouvoir être publié à compter du 1er octobre prochain, nous créons une agence pour gérer les systèmes d'alerte des services publics qui constituent les SDIS d'une façon partagée adaptée et moderne. Actuellement, chaque SDIS a son système propre. Nous serons les premiers à avoir un système global et partagé dont les services de l'État ont assuré le développement financier. La DGSCGC y a consacré sept millions d'euros en 2018. Ce système très novateur devrait commencer à être déployé pour fin 2019, et le premier SDIS intégré sera celui de Seine-et-Marne. Il nous faut nous adapter au rythme rapide du progrès technologique. Or actuellement, un smartphone peut donner des renseignements que le standard ne peut récupérer automatiquement. Par exemple tous les véhicules nouveaux produits en Europe sont désormais pourvus d'un système automatique d'appel des secours (Ecall) en cas d'accident et pour l'instant, nous passons par des plateformes intermédiaires avec les assureurs pour y accéder. Le déploiement, commencé en 2020, devrait se poursuivre jusqu'en 2025.
Plus globalement, la cybersécurité est un de nos soucis majeurs. Nous souhaitons que les systèmes des SDIS (collectivités territoriales et de la protection civile de l'État) soient intégrés, et les avis techniques sont tous favorables. Il s'est déjà produit des actions informatiques malveillantes contre des standards de services tels que ceux des services de secours. Nous sommes tout à fait conscients du risque que représente un black-out total. Je l'ai vécu deux fois en tant que préfet de Mayotte et une fois encore à l'occasion du cyclone Irma où nous avons tout perdu pendant 48 heures, même les liaisons radio. Soyez sûrs que nous en avons tiré les leçons. La généralisation du 112 correspond à une volonté déterminée du président de la République et nous agissons en conséquence.
Pour le plan relatif aux gestes qui sauvent, attendez l'annonce dans quelques jours, mais sachez que le dossier est bouclé, le plan financé et nous compterons aussi sur quelques bonnes volontés. On agit ici sur la résilience profonde de la société afin que chacun prenne conscience qu'il peut sauver une vie.
Le modèle français de bénévolat est-il en danger ? Je répondrai surtout que nous avons des bénévoles : depuis deux ans, leur nombre global augmente. Mais ce n'est pas le cas partout, la France est diverse. La concentration des compétences au niveau de l'intercommunalité a pu avoir pour conséquence d'éloigner de leur centre de secours des employés communaux qui étaient pompiers volontaires, donc de diminuer la proximité du service. D'autre part, il faut comprendre les employeurs dont un salarié s'absente plusieurs jours de suite pour aller lutter contre un feu de forêt, alors qu'il est requis à son travail. Il n'y a pas de réponse absolue dans ce domaine, et ce n'est certainement pas une seule bonification de point de la fiscalité qui produira une solution à cette contrainte. Nous avons pris contact avec le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) à ce sujet, et il était représenté dans la mission sur le volontariat, dans le but d'élaborer des solutions pragmatiques et adaptées à la nécessité de pouvoir compter sur les sapeurs-pompiers volontaires durant leur temps d'activité en entreprises.
Puisque je mentionne les intercommunalités, faut-il élaborer les plans de sauvegarde à leur niveau ou en rester aux plans communaux ? Avec l'expérience d'un préfet, je vous dirai que les élus savent s'organiser, alors laissons-les faire. Ici ce peut être l'intercommunalité, ailleurs les plans communaux peuvent être préférables, avec cependant un lien logistique à l'intercommunalité. En cas de crise, les deux échelons de décision sont le préfet et le maire, agent communal et agent de l'État. Une de nos grandes forces est d'avoir une unité de direction opérationnelle. Pendant les grands feux en Suède cet été, le gouverneur de la province touchée a fini par prendre en mains une organisation pour laquelle il n'avait pas directement compétence, justement en raison de cette nécessité d'unicité de pilotage de l'action opérationnelle. Il va de soi que cette unité de direction opérationnelle ne se fait pas l'un contre l'autre, c'est une co-construction. Faut-il la renforcer ? Il faut au moins être totalement clair, et pour le reste, aux parlementaires d'agir...
En ce qui concerne les feux de forêts de grande ampleur, d'abord nos forêts ne sont pas les mêmes que celles du grand nord européen ou des États-Unis. À titre de comparaison, l'an dernier nous avions en permanence 29 000 à 35 000 hommes chaque jour luttant contre les grands incendies. Nous n'hésitons pas à frapper fort et à mettre 6 000 hommes pour un feu de 1 000 hectares. Les avions ont leur utilité, mais la guerre aérienne se termine au sol. Il en va de même pour les pompiers. On en revient au volontariat, car on n'aura jamais assez de professionnels dans ce cas. Les unités militaires très techniques ont également un rôle vital et ont développé leurs techniques. Ainsi en Suède, nous avons envoyé des hommes au sol face à un front de feu de 18 kilomètres : ils l'ont éteint en dix jours, mais quand le colonel responsable a expliqué aux autorités opérationnelles suédoises qu'il allait mettre le feu à la forêt pour l'éteindre, il y a eu un certain flottement ! S'il fallait solliciter une aide européenne, nous le ferions. Mais en l'occurrence, nous sommes plus souvent demandés que demandeurs. L'an dernier, une des pires saisons de feux depuis les 60 000 hectares brûlés de 2003, nous avons perdu 24 000 hectares – pour le reste de l'Europe, c'était presque un million d'hectares. Donc quand certains collègues d'autres pays discutent de nos méthodes, notamment de stratégie aérienne, je me dis que les chiffres parlent et qu'on peut se sentir fiers. C'est que nos doctrines sont le fruit d'une très longue expérience, de coups que nous avons pris et d'adaptations successives. Et, en effet, la prévention des risques coûte cher.
L'action envers les jeunes est bien développée. Il y a 28 000 jeunes sapeurs-pompiers qui viennent dans les casernes le samedi. Notre problème, c'est qu'après quatre ans de cet exercice, nous n'en conservons que la moitié. Il faut s'interroger et aussi voir comment les récupérer plus tard. Il existe aussi des cadets de la sécurité civile. Dans le plan volontariat, il y a des actions non pas seulement vers les jeunes des quartiers, mais vers ce que nous appelons les « autres publics », car il y a aussi les jeunes filles, par exemple.
La répartition des compétences entre commandement des opérations de secours (COS) et direction des opérations de secours (DOS) est prévue très clairement dans le code général des collectivités territoriales (CGCT). De notre côté, il n'y a aucune ambiguïté à ce sujet. D'autres services peuvent aussi vouloir interférer avec le COS. On leur rappelle qu'il s'agit d'une responsabilité confiée à un officier de sapeur-pompier par le préfet, lequel officier est formé à des techniques complexes qui requièrent une précision toute militaire, qui ne s'improvisent pas. Le DOS pour sa part a des décisions stratégiques à prendre sur le conseil du COS.
Enfin, face à un effondrement comme celui du pont Morandi à Gênes, nous saurions faire face. Les Italiens sont très bons, notamment pour le déblaiement car le pays subit souvent des tremblements de terre. En cas de gros problème, c'est à des techniciens italiens que nous ferions très probablement appel pour nous appuyer le cas échéant. Sur les causes de l'effondrement, le ministère des Transports suit la question, car c'est un problème de construction. Dans ce domaine, il y a bien sûr un suivi.