Intervention de Général de division Pascal Facon

Réunion du mardi 25 septembre 2018 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général de division Pascal Facon, commandant le centre de doctrine et d'enseignement du commandement :

Je partirai de la dernière question. Comment articule-t-on notre réflexion avec le domaine interarmées ? On le fait par l'intermédiaire d'une relation étroite conduite avec le Centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations (CICDE) qui est l'organisme équivalent au mien à l'échelle interarmées. Nous avons des échanges réguliers sur des questions aussi essentielles que la coordination dans la troisième dimension. Par ailleurs, la totalité des documents de doctrine que l'on écrit sont déclinés des éléments de doctrine interarmées.

Ainsi, l'armée de terre nourrit la réflexion doctrinale interarmées, tout en se nourrissant elle-même de la perception doctrinale de l'interarmées. Le CICDE, qui décline parfois les documents de doctrine de l'OTAN, est à la charnière de tout cela, et nous permet d'alimenter nos documents de doctrine. De la même manière, nous participons à l'élaboration de leurs documents. C'est ce qui est arrivé récemment avec une doctrine sur l'emploi des forces terrestres sur le territoire national, qui était directement liée à un document de doctrine qui avait été rédigé au niveau interarmées.

Monsieur le député, vous avez parlé de la force morale, et vous vous êtes demandé si les soldats français que nous recrutons ont la même valeur et la même pugnacité qu'auparavant ? Évidemment. On s'était posé la question il y a quelques années, à l'époque où l'on était engagé dans des opérations de maintien de la paix : est-ce que, dans un combat caractérisé par un ennemi qui veut nous tuer, nos jeunes garçons et nos jeunes femmes seraient capables de manifester les plus belles vertus militaires ? La démonstration en a été faite en Afghanistan, elle est faite quotidiennement dans le Sahel et dans le cadre de l'opération Chammal. Il y a tout lieu de rester confiant dans la capacité de nos soldats à agir avec courage, détermination et discernement.

Pour autant, la force morale a une dimension individuelle, mais aussi collective, qui doit être entretenue. Comment ? Par exemple, à travers la certitude que nous avons d'être pris en charge par un service de santé efficace capable, comme nous le voyons quotidiennement sur les théâtres d'opération, d'évacuer rapidement un blessé où qu'il soit vers les structures médicales les plus adaptées. Les médecins militaires participent directement de cette capacité à endurer les vicissitudes du combat.

Le matériel a aussi, évidemment, une dimension essentielle. Les Irakiens sont efficaces parce qu'ils utilisent un matériel de bonne qualité, approprié à la réalité opérationnelle. Il y a, ensuite, la cohésion de l'ensemble, nourri par les traditions qui fédèrent et portent le collectif. Il y a enfin ce que le CEMAT appelle « l'esprit guerrier », qui se cultive dès le temps de paix et s'appuie aussi bien sur la technologie que sur l' « esprit de corps ».

Donc, il y a tout lieu d'être optimiste, à condition que l'on garantisse à nos soldats les moyens matériels de faire correctement leur travail, et un soutien adapté dans un certain nombre de fonctions essentielles – et le soutien santé en fait partie.

Monsieur le député, votre question sur la dimension cyber tombe à point nommé. En effet, la colonelle Anne-Cécile Ortemann a été nommée chargée de mission cyber par le CEMAT. Nous sommes en train de travailler avec elle, sur la base du groupe de travail qui a été réuni cet été et qui porte sur le cyber dans l'armée de Terre, son cadre d'emploi, sa doctrine. Cette dimension est donc prise en compte aujourd'hui.

Elle est évidemment coordonnée avec les travaux réalisés par l'officier général « cyber » au niveau interarmées. Les progrès sont notables en ce domaine, en particulier en matière de dialogue entre ceux qui sont en charge de systèmes d'information et de commandement, et ceux qui sont en charge du renseignement. Une telle interaction est essentielle.

Madame Mirallès, votre question sur les officiers de réserve spécialistes d'état-major (ORSEM) est particulièrement intéressante. Mais si vous me le permettez, je vous trouve un peu sévère de dire que le programme n'a pas été réactualisé. Les ORSEM continuent de bénéficier d'une formation robuste, actualisée et adaptée à nos besoins, comme l'illustre l'introduction d'un module « Territoire national ». D'une manière générale, les ORSEM font l'objet de notre part d'une attention soutenue et nous sommes en train de travailler à la revalorisation de leur parcours.

Nous avons entièrement confiance en eux. Et je vais vous en donner un exemple : nous assurons à l'École d'état-major une formation qui s'appelle « Qualification interarmes du premier niveau », qui est dispensée avant que des jeunes officiers, lieutenants confirmés ou jeunes capitaines, ne commandent leur unité. Au mois de septembre, huit ORSEM et deux officiers d'active ont participé comme instructeurs à cette formation au profit d'officiers d'active. Et pour vous dire que la qualité de ces ORSEM est absolument reconnue, un des stagiaires a demandé à l'un d'entre eux de quelle promotion de Saint-Cyr il était ! C'est dire l'excellent niveau de ces hommes et de ces femmes, qui consacrent beaucoup de temps à cet engagement dans la réserve, en plus de leur activité professionnelle.

S'agissant de la question relative à la technologie « facile d'emploi » et les moyens dont nous disposons, nous attendons évidemment avec impatience l'arrivée des premiers équipements du système de systèmes SCORPION.

Les moyens qui sont aujourd'hui absolument nécessaires à la conduite de nos opérations sont tous ceux qui permettent la protection de nos forces, leur stationnement, les moyens de lutte anti-drones, les moyens de protection de nos véhicules, les moyens dans le domaine cyber, etc.

Tout cela est très bien pris en compte et de façon réactive. Vous avez probablement vu l'usage qui a été fait des ballons captifs dans la BSS, par exemple, afin d'améliorer la surveillance de nos emprises. Tout cela constitue des motifs de satisfaction en termes de réactivité autorisée par la boucle courte du RETEX.

Ces outils sont faciles d'emploi. SCORPION permettra aux forces de comprendre plus vite la situation, plus longtemps, malgré le stress, la fatigue, les pertes et la pression psychologique qui s'exerce. Cela nécessitera d'une part une meilleure formation opérationnelle et d'autre part une bonne information communiquée au bon endroit et au bon moment. C'est pour cette raison que l'on parle de « chefs augmentés ».

À cette fin, le battle lab de l'armée de terre qui se met en place est la clé de voute de tout le processus d'innovation. Son but est précisément de rendre nos matériels agiles, par un dialogue à trois entre la DGA, l'armée de terre et les industriels.

Comment appréhende-t-on le type de conflit que l'on rencontre actuellement dans la zone Syrie-Irak ? Nous n'en avons pas fait le tour aujourd'hui, mais on sait ce qu'on voulait savoir. De fait, il s'est passé beaucoup de choses en Syrie, comme en Irak. Il y a eu de nombreux engagements opérationnels. Nous disposons donc de nombreux RETEX.

Nous avons été particulièrement intéressés par les manoeuvres de franchissement qui ont été effectuées, que ce soit en Irak ou en Syrie, et qui ont montré que nous avions quelques savoir-faire à consolider pour retrouver les standards d'autrefois. Cela fait partie des quelques éléments de RETEX qui nous sont utiles. Pour le reste, que ce soit le combat urbain ou le combat dans des espaces désertiques ou semi-désertiques, on retrouve au Levant un certain nombre de tendances observées ailleurs.

Concernant le MCO, on peut dire qu'il est en « réparation », avec une modernisation en cours de ses structures et de ses procédures, conformément aux conclusions et recommandations du rapport d'audit relatif au MCO terrestre. Les moyens qui sont mis à disposition, en tout cas les perspectives qui sont ouvertes, nous rendent relativement optimistes. Je pense que le CEMAT vous le dira demain.

Y a-t-il des priorités ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de se référer à une évidence : nos soldats sont déployés sur des théâtres d'opération différents, mais nous leur devons, aujourd'hui comme demain, le niveau d'équipement le plus approprié à l'exécution des missions que vous leur confiez.

Serons-nous à la hauteur des engagements de demain ? C'est notre ambition, et c'est pour cela que nous nous entraînons. Tout en conservant un haut niveau d'engagement opérationnel, la préparation opérationnelle interarmes reprend en effet de façon extrêmement vigoureuse dans des camps adaptés. Et ce qui nous le permet, c'est la remontée en puissance de notre armée de Terre, qui nous donne maintenant l'opportunité de reprendre l'entraînement de nos hommes et de nos postes de commandement. On est donc indiscutablement sur une bonne tendance.

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