Intervention de Frédéric Reiss

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

Sans surprise, au groupe Les Républicains, nous n'avons pas changé d'avis depuis juillet. Ce qui s'est passé au Sénat ne peut d'ailleurs que nous conforter dans notre opposition. Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, les sénateurs ont rejeté à l'unanimité ces deux propositions de loi. Lors de la CMP, qui ne pouvait qu'échouer, le sénateur Philippe Bas a affirmé que les textes – ordinaire et organique – étaient « non améliorables ».

Concernant les titres qui nous occupent, nous rappellerons simplement que le CSA n'était pas demandeur de nouveaux pouvoirs. La résiliation unilatérale d'une convention conclue avec un service contrôlé par un pays étranger va mettre l'autorité dans une situation délicate. Tout comme au juge des référés, à l'article 1er, on donne au régulateur de nouveaux pouvoirs qu'il choisira peut-être de ne pas exercer. Le 28 juin dernier, le CSA a adressé une mise en demeure à la chaîne Russia Today pour manquements à l'honnêteté de l'information et à la diversité des points de vue. La Russie a immédiatement réagi : le lendemain, la chaîne France 24 était accusée d'avoir violé la loi russe, et elle encourt un risque de suspension. Cela prouve qu'agir seul, sans l'Europe, risque de conduire à des neutralisations stériles.

J'en viens à la réécriture des dispositions de l'article 9 sur le devoir de signalement et de coopération des plateformes. Nous pensons que cette proposition de loi ne résoudra malheureusement rien. Dans ce cas, on ne donne pas assez de pouvoir au CSA qui n'aura pas les moyens d'exercer sa nouvelle mission de méta-régulateur en matière numérique, pour reprendre l'expression de son président, Olivier Schrameck. Le CSA hérite donc d'un pouvoir de recommandation à l'égard des plateformes, sans aucun moyen de pression puisqu'elles ne sont pas couvertes par le régime de sanctions définies dans la loi de 1986. Quelle crédibilité donne-t-on au CSA dans ces conditions ? Cela nous fait dire que ce texte de circonstance est avant tout un texte d'affichage qui ne croit pas en sa propre efficacité.

De même, le nouvel article 8 bis, supposé définir les nouvelles obligations des plateformes en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations, ressemble à une coquille vide avec quelques options. Les différentes mesures listées – transparence des algorithmes, contenus sponsorisés – sont purement facultatives. Leur simple écriture est une démonstration de leur impuissance.

Cette loi est aussi bavarde, en témoignent les articles 9 bis A et 9 bis B, introduits par nos collègues de La République en Marche. L'incitation à négocier n'a aucune portée normative et la publication des contenus liés à un algorithme part d'une bonne volonté mais risque d'être difficilement exploitable.

Au groupe LR, nous estimons que les articles relatifs au CSA auraient dû figurer dans le futur projet de loi audiovisuelle et ceux relatifs à l'éducation aux médias dans le futur projet de loi sur l'école. Quant à la réflexion sur la responsabilité des plateformes, elle relève du niveau européen. Dans mes fonctions au Conseil de l'Europe, je remettrai d'ailleurs bientôt un rapport sur la création d'un ombudsman, c'est-à-dire d'un médiateur, chargé du numérique. Son rôle serait d'assurer un équilibre entre responsabilisation des plateformes et respect de la liberté d'expression.

Nous voterons contre ce texte qui pose plus de problèmes qu'il n'en résout mais, contrairement aux sénateurs, nous participons à la discussion.

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