Intervention de Dominique Bureau

Réunion du mercredi 26 septembre 2018 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Dominique Bureau, président du Comité pour l'économie verte (CEV) :

Une question a été posée par le rapporteur général concernant les transferts de charges sur les petites et moyennes entreprises (PME). Les artisans et les PME, qui ont été plutôt constructifs lors de nos travaux, nous ont fait prendre conscience qu'ils étaient un peu désavantagés lorsqu'ils voulaient bénéficier de dispositifs d'accompagnement dans de bonnes conditions. Nous insistons donc dans le rapport sur la nécessité de différer la modification des taux de taxation de manière à permettre aux acteurs de s'y préparer ainsi que sur celle d'améliorer l'information des services concernés.

Les péages urbains représentent évidemment des coûts de gestion importants. C'est le cas à Singapour, qui a un dispositif en temps réel, qui présente aussi le gros avantage de permettre une gestion en temps réel de la congestion routière. Je voudrais quand même relativiser l'idée selon laquelle on n'aurait pas de métropoles en France. Compte tenu de la diversité des situations de Singapour, de la City londonienne, de Stockholm et de la Norvège, il me paraît difficile de dire que les péages urbains n'ont aucun sens dans certaines villes et de fixer un seuil minimal. En revanche, le design d'un péage urbain dépend évidemment des enjeux et de la taille de chaque ville. Par ailleurs, dans un monde où l'espace urbain tend à devenir de plus en plus rare, il faut que l'espace routier soit bien utilisé. Sans une bonne tarification routière, l'équation du financement des transports publics et alternatifs est insoluble. Si l'on veut préparer l'avenir des villes, on ne peut écarter cette question des péages urbains – comme on l'a fait en France jusqu'à présent.

S'agissant de l'articulation entre les différents instruments de gestion des déchets, qu'il y ait des normes ne doit pas nous empêcher de recourir à des instruments incitatifs. Le signal prix présente l'intérêt d'inciter les gens à faire tout leur possible pour supporter un coût inférieur au prix et à aller au-delà de la norme. La fiscalité incitative est par nature libératoire. Elle ne met pas les gens au pied du mur puisqu'ils peuvent toujours se libérer de leurs obligations en payant une taxe qui doit être fixée à un niveau satisfaisant par rapport aux dommages causés. La fiscalité incitative est donc un instrument fondamentalement souple et fait pour être souple – raison pour laquelle il a la faveur des économistes.

Notre comité a créé un groupe de travail sur l'artificialisation afin de disposer d'une vision moins cloisonnée que celles du prélèvement sur les sols agricoles, d'une part, et du renouvellement urbain, d'autre part. Le groupe sera coprésidé par la députée Anne-Laurence Petel et la sénatrice Anne-Catherine Loisier.

Les outils de pilotage ne suffiront évidemment pas mais ils sont très importants dans un domaine où il faut avoir une vision de long terme. On a d'ailleurs déjà ces outils, l'OCDE ayant par exemple inventé un instrument appelé carbon pricing gap. Souvent, quand on élabore des indicateurs de suivi des politiques publiques, ils n'évoluent guère et finissent par ne plus nous apprendre grand-chose. Il nous faut donc intervenir en la matière. Ce serait une erreur de croire que l'OAT verte n'a rien changé car elle nous a obligés à instaurer des instruments de reporting. Il faut avoir conscience de la nécessité d'améliorer nos outils de pilotage et du fait que cela est faisable dans le contexte actuel.

Matthieu Orphelin a évoqué la composante carbone. Si l'on se place du point de vue climatologique, la France, en se fixant une trajectoire en ce domaine et en la relevant en loi de finances, a saisi l'opportunité que représentait le prix peu élevé des énergies fossiles. Cependant, nous avons absolument besoin des recettes de cette composante carbone pour financer la transition carbone – tous les travaux d'expertise en cours, dont ceux du Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat et de la commission présidée par Alain Quinet, vous le confirmeront. Il faut tenir bon. Toute la question est celle de l'acceptabilité.

Enfin, s'agissant du caractère punitif de la fiscalité écologique et de la nécessité d'en faire une fiscalité affectée, les choses sont plus compliquées que cela. Au début des années 1970, des hivers rigoureux ont détruit les réseaux routiers alors que dans le même temps, se multipliaient les poids lourds transportant une charge à l'essieu considérable. En instituant la taxe à l'essieu, c'est-à-dire en incitant les transporteurs à basculer vers des semi-remorques, on a pu rénover le réseau et le redimensionner pour un coût deux fois moindre que si on n'avait pas créé cette taxe. Cette dernière a pleinement joué son rôle incitatif sans pour autant être affectée. La recette fiscale était d'ailleurs plutôt évanescente puisque tous les transporteurs ont fini par recourir à des semi-remorques. Cette success story illustre l'efficacité de la fiscalité incitative.

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