Intervention de Frédérique Tuffnell

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Tuffnell :

Cet amendement instaure une redevance « imperméabilisation », ou plutôt d'incitation à la perméabilisation. L'équivalent d'un département français disparaît tous les dix ans sous l'effet de l'artificialisation des sols et en particulier, des terres agricoles. La France est le dixième pays européen le plus artificialisé, au-dessus de la moyenne européenne, avec trois caractéristiques frappantes. Premièrement, l'artificialisation des sols est décorrélée de l'évolution démographique et le solde d'artificialisation est très nettement positif là où la population recule. Deuxièmement, on assiste à une surproduction de biens immobiliers hors marché qui ne correspond pas à la vraie demande – je pense au tertiaire, aux bureaux, aux entrepôts et aux centres commerciaux. Troisièmement, la disponibilité de friches ou de lieux vacants est importante : cela doit nous interpeller et nous inciter à les affecter à de nouveaux usages. Le réchauffement climatique et l'extension permanente du tissu urbain ont des conséquences directes sur l'environnement.

Créer une nouvelle redevance sur l'artificialisation, ce qu'a déjà tenté de faire M. Nicolas Hulot, est une réelle nécessité. Ne nous cachons pas derrière des mesurettes ; il est temps d'inverser la tendance. L'imperméabilisation a des conséquences néfastes pour le bon fonctionnement des rivières, la prévention des inondations et la préservation de la biodiversité. En milieu urbain, le constat est alarmant le long des infrastructures linéaires. Le lessivage des sols est néfaste et les volumes d'eau déversés en période de forte pluie sont préjudiciables aux milieux aquatiques. L'imperméabilisation des sols accélère le ruissellement de l'eau le long des pentes, accroissant les risques d'inondation.

Oui, cet amendement crée une nouvelle redevance. Le professeur Guillaume Sainteny a bien expliqué qu'il existait déjà vingt-neuf taxes relatives à l'artificialisation et aux terrains urbanisables, mais qu'aucune de ces taxes ne semblait avoir infléchi le rythme de l'artificialisation. Je l'entends, mais cela reste à expertiser. C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à assujettir différemment les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les gestionnaires d'infrastructures, à une redevance aux agences de l'eau dans la limite de 100 euros l'hectare imperméabilisé. Il permettrait aussi aux agences de l'eau d'assurer la prise en charge des paiements pour services environnementaux, conformément à l'action 24 du Plan biodiversité. Il faudrait éviter que ce soit l'eau qui paie l'eau et de faire porter aux seules redevances pollution et collecte domestique l'essentiel de la politique grand cycle et petit cycle. C'est une redevance incitative qui se concentre sur l'avenir. Son objectif n'est pas d'être rentable : on ne pourrait que se réjouir de la voir se réduire d'année en année.

Nous devons mener une vraie politique publique pour protéger le patrimoine du sol, assurer sa restauration et obtenir enfin des sols vivants.

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