Monsieur le ministre, chers collègues, ce texte est présenté comme un projet de loi portant sur les entreprises. Nous concevons, pour notre part, l'entreprise comme un collectif humain réunissant différentes qualifications au service d'une production socialement utile et écologiquement soutenable. Or c'est de tout autre chose qu'il a été question au fil de la discussion de ce projet de loi.
Autant le dire dès maintenant, le moment venu, nous appellerons, nous, les entreprises à prendre leur place dans l'indispensable planification écologique qui est aujourd'hui la tâche supérieure de la civilisation humaine. Au lieu de cela, nous avons examiné un projet de loi indifférent aux enjeux sociaux, par lequel vous abaisserez même certains seuils sociaux – on sait pourquoi. Le moment était pourtant venu, je crois, de mettre un terme aux mauvaises habitudes des écoles qui enseignent le management par la peur, dont le résultat est aujourd'hui sous nos yeux : ce n'est pas une circonstance annexe que la vague de suicides qui affecte les entreprises. Sommes-nous bien conscients du fait que s'il y a cinquante suicides sur le lieu de travail à la SNCF, c'est qu'ici et là des seuils ont été franchis dans la manière de mener les équipes humaines ?
Admettons encore que l'on puisse mettre cela de côté, mais pourquoi n'y a-t-il absolument rien pour encourager la participation à la transition écologique, qui concerne à la fois l'appareil productif et les habitudes de consommation dans notre pays ? Au lieu de cela, monsieur le ministre, je vous l'ai déjà dit, vous ne vous êtes montré soucieux que d'une seule et unique chose : connecter plus étroitement encore le tissu des entreprises avec la planète Finance – exactement le contraire de ce qu'il faudrait faire !
Cette connexion avec la planète Finance, vous la renforcez lorsque vous augmentez la part de la participation dans la rémunération des travailleurs, ce qui est une manière de sortir le salaire du partage de la valeur et d'abreuver les fonds de pension. Il en coûtera 400 millions d'euros à la Sécurité sociale, qui a déjà été bien des fois dévalisée, et cette masse d'argent va encore alourdir la sphère financière. C'est une erreur totale !
De la même manière, c'est une erreur de privatiser les derniers grands instruments dont dispose le pays, qui sont à la fois une source de revenus pour l'État et une protection pour le collectif qu'est la République française : l'aéroport Charles-de-Gaulle qui est très important ; La Française des Jeux, qui est non seulement une source de revenus pour l'État, mais qui permet aussi à ce dernier de lutter contre des addictions que le privé ne contrôlera jamais.
C'est une erreur aussi de ne pas comprendre que la planète Finance, qui s'implante toujours plus profondément dans la production, la condamne à la mort par étouffement. Oui, la finance étouffe la production ! Quand 99 000 milliards dans les caisses des fonds de pension et des fonds d'investissement n'interviennent en aucune manière dans les objets produits par les entreprises ou dans toute autre de leur réalisation, mais agissent exclusivement sur les taux de rendement qui peuvent être obtenus, alors on comprend que la production se condamne elle-même à mort en supportant la finance.
Nous vous avons fait des propositions qui, bien sûr, ne pouvaient pas remettre en cause totalement le cadre de ce projet de loi, mais qui auraient tout de même significativement corrigé ses préoccupations. En ce qui concerne plus particulièrement la finance, je n'ai pas entendu votre réponse, monsieur le ministre, à la proposition que j'ai faite, lors de mon intervention dans la discussion générale, de corréler les pouvoirs de vote conférés par la détention d'actions à la durée de l'investissement dans l'entreprise considérée. Ce n'est pas une mesure communiste ; elle a déjà été appliquée dans un certain nombre de pays avec quelque succès. Surtout, elle empêcherait les fonds d'investissement spéculatifs, adeptes des LBO, ou achats à effet de levier, d'entrer au capital des entreprises afin d'y mener une politique dite d'« actionnariat actif », dont le seul but, en réalité, est de dépecer lesdites entreprises.
Je n'imagine pas, monsieur le ministre, qu'à cette heure nous puissions vous convaincre de revenir sur ce que vous pensez déjà acquis, mais il fallait que ceci soit dit ici : le pire ennemi de l'entreprise, c'est la finance ; le pire ennemi de la production, c'est l'indifférence aux travailleurs.