Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du mardi 9 octobre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Article 9 : radars débranchés. Les comptes seront exonérés de devoir être certifiés. Sous 8 milliards, cinquante salariés.

Article 12 : c'est supprimé, l'obligation d'un compte dédié rien que pour leurs activités, pour les entrepreneurs isolés.

Article 13 : modernisées, les CCI, ou dézinguées ? « Chacun fait, fait, fait, c'qui lui plaît, plaît, plaît ! »

On continue. Article 20 : sur les marchés, l'épargne retraite sera plus placée. Pour l'employeur exonérée, pour la Sécu, volatilisée !

Article suivants, débridés, pour plaire aux marchés financiers. Article 30 : la CDC sera toute remodelée. Articles d'après : les brevets, les équilibres modifiés, privatisation d'ADP, la FDJ va y passer, d'Engie les parts seront cédées, le forfait social supprimé. On ne sait plus où on en est ! « Chacun fait, fait, fait, c'qui lui plaît, plaît, plaît ! »

On s'arrête là ; fini la soirée mousse ! On vous aura vus faire, en effet, beaucoup de mousse pour vanter la révolution à l'oeuvre et ses immenses mérites, une révolution libérale, accompagnée de quelques faux-semblants. On l'aura entendu, ce refrain, cette injonction à arrêter d'empêcher, à libérer, à laisser chacun faire « c'qui lui plaît, plaît, plaît » – enfin, seuls ceux qui peuvent, évidemment.

On a vu avec quel appétit vous avez croqué dans cette pomme, dans ce projet de loi de déréglementation, de dérégulation, de privatisation. On a vu comment vous avez couru à la supérette pour honorer la liste de courses du MEDEF. Ah, vous étiez là dans votre élément ! C'est même dans un état de pâmoison qu'on vous a entendus évoquer le capitalisme triomphant et bienfaiteur de l'humanité. Il y avait là quelque chose de vertigineux.

Aussi, pour vous aider à retrouver le chemin de la mesure et de la lucidité, je veux dire quelques mots de ce que votre communication ne mentionnera pas. Et d'abord du coût de cette réforme : vous n'en savez vous-mêmes rien de précis, mais il s'élèvera au moins à 1 milliard d'euros, sans compter ce que coûteront les opérations de fusion-acquisition. Ensuite, de la fragilisation économique qui résultera de la suppression des règles et des garde-fous qui sécurisaient les échanges, les relations économiques et le développement des petites entreprises, qui en sortiront fragilisées.

Quelques mots encore de la suppression de droits pour les salariés et du financement de ces droits – je pense au logement et à la Sécurité sociale. Vous encouragez le contournement du salaire, et vous avez vilipendé les augmentations – cette vilaine idée ! – et le salaire différé et socialisé – ce concept grossier ! Il va vous falloir quelques cours de rattrapage en pouvoir d'achat, je le crains.

Quelques mots, enfin, des privatisations irresponsables des entreprises bien-portantes et stratégiques, chacune dans leur champ : la dérégulation du jeu, des transports et de l'énergie est au rendez-vous. Les tarifs réglementés seront rayés sans débat, d'un trait de plume – on dirait que vous en appelez vous-mêmes à la censure !

La dérégulation bancaire ne sera nullement jugulée par les dispositions que vous prenez pour La Poste, fusionnée avec la CNP sans autre projet que d'en faire un opérateur bancaire comme les autres, au risque d'entraîner également la Caisse des dépôts et consignations sur ce terrain. Il n'est pas certain que le courrier soit distribué dans de meilleures conditions, ni le personnel mieux traité ! Il eût fallu une grande ambition pour édifier un grand pôle public bancaire, capable de réorienter le crédit.

Certes, vous inscrivez dans le code civil qu'une société doit être gérée « dans son intérêt social, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité », mais quels seront les effets réels de cette inscription ? Vous avez repoussé avec constance nombre de propositions visant à circonscrire le pouvoir des actionnaires, à limiter le pouvoir des propriétaires, à donner de nouveaux pouvoirs aux salariés et à leurs organisations, et à organiser les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants. Vous avez critiqué le syndicalisme français, pas assez sage à votre goût, qui refuse d'adhérer à une vision ouatée de l'entreprise, dans laquelle il n'y aurait aucune contradiction, où chacun accepterait sa place sans se préoccuper d'autre chose que de ce qu'on lui demande, sans se soucier de la gestion, du mode de production, du travail, de la répartition de la valeur. Vous cherchez le salut des entreprises dans la finance, au lieu de faire respecter le travail.

Vous avez refusé d'encadrer les salaires et même de rendre vraiment publiques les rémunérations par quartiles. Vous nous avez vendu, à la place, une chimère : une entreprise où les salariés apportent leurs capitaux, sont actionnaires minoritaires sans pouvoir réel, mais intéressés à réduire le prétendu coût de leur travail pour espérer améliorer la rémunération de leur capital.

Or nous vivons sous la pression du dumping social, fiscal, environnemental : le marché cherche en permanence à amoindrir les règles pour se livrer à cette guerre économique qui réduit toutes les dépenses, sauf la rémunération du capital. Votre projet de loi glorifie ce règne du dumping ; nous, nous voulons y mettre fin et changer de mode de développement, de production et de consommation, pour mieux respecter l'humain et la planète. Nous voterons contre ce projet de loi, ne vous en déplaise !

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