Je vous avoue sincèrement ne pas en avoir saisi les raisons. Le Sénat estimerait-il que nous avons légiféré trop vite ? Nous travaillons pourtant sur ces textes depuis près d'un an et avons auditionné, à plusieurs reprises, tous les acteurs concernés ou impliqués. Le Conseil d'État lui-même a donné un avis favorable.
Le Sénat jugerait-il qu'en matière de lutte contre les fausses informations, notre arsenal juridique est suffisant ? Ce serait une erreur. Notre législation est importante, c'est vrai, mais incomplète. Elle ne s'est pas entièrement adaptée aux évolutions technologiques et de l'information. Si des mécanismes existent bel et bien dans la loi de 1881, ils ne répondent pas au problème global des fausses informations ; je pense en particulier à ces deux notions que sont les fausses nouvelles et la diffamation.
Les fausses nouvelles ont un caractère inédit, elles ne peuvent être invoquées que par le parquet et impliquent un trouble à la paix publique. La diffamation, elle, suppose une atteinte à l'honneur ou à la considération. Les conditions que posent ces deux notions ne permettant pas d'appréhender tous les cas de manipulation de l'information, il était essentiel de créer un nouveau juge, un juge des référés qui, garant des droits fondamentaux, pourra faire stopper la diffusion massive, délibérée et mécanisée d'informations fausses, de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin. C'est en effet le suffrage universel qui est en jeu.
Le Sénat, autre hypothèse, juge-t-il préférable de laisser aux seules plateformes le soin de réguler l'information ? Je ne suis pas d'accord. Google et Facebook concentrent désormais plus de 70 % du trafic web, ce qui signifie qu'elles sont les principaux canaux de diffusion des entreprises de presse. Les laisser prospérer ainsi sans réagir serait dangereux. Aussi, les textes qui nous sont soumis renforcent-ils de manière accrue la transparence des plateformes, notamment sur le financement des contenus sponsorisés ; ils les incitent à développer de bonnes pratiques et à coopérer davantage ; ils les responsabilisent, ce qui était précisément l'objet d'un amendement adopté à mon initiative en première lecture, et aux termes duquel les plateformes devront désigner un responsable légal sur le sol français.
Le Sénat, enfin, estime-t-il que l'éducation aux médias, en particulier pour les plus jeunes, n'est pas un enjeu central et primordial du combat que nous voulons mener ? Je suis certaine, pour ma part, que ce doit être la priorité. Le comportement humain est au coeur du problème. C'est donc avant tout sur les biais cognitifs, sur le développement de l'esprit critique et sur l'analyse de l'information qu'il nous faut agir, et les deux textes y contribuent.
Mes chers collègues, les propositions de loi que nous examinons aujourd'hui ne sont que la première pierre d'un édifice bien plus grand. Elles prendront tout leur sens dans un ensemble qui inclura à la fois une gouvernance européenne de l'internet et des initiatives de la société civile. Mais il est important de poser cette première pierre, de dire que nous refusons de rester passifs alors que la démocratie est atteinte et que la confiance de nos concitoyens est ébranlée.
« Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n'est pas que vous croyez ces mensonges, mais que plus personne ne croit plus rien. Et avec un peuple privé de sa capacité de penser et de juger, vous pouvez faire ce que vous voulez », disait Hannah Arendt, bien avant l'avènement des réseaux sociaux. Ce constat éclaire notre époque. Ne pas s'opposer aux fausses informations et à leur propagation virale, c'est prendre le risque de voir advenir une société hantée par le mensonge, une société où la suspicion serait permanente.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à mesurer l'importance du rôle qui est le nôtre, celui de protéger nos institutions, notre démocratie et nos citoyens. Je vous invite donc à voter ces deux textes.
Le 11/10/2018 à 21:52, Laïc1 a dit :
"Mes chers collègues, les propositions de loi que nous examinons aujourd'hui ne sont que la première pierre d'un édifice bien plus grand."
Tout citoyen qui diffusera sur internet une information dont il n'a pas vérifié au préalable la totale véracité ira en prison ?
Le 11/10/2018 à 21:53, Laïc1 a dit :
"Le comportement humain est au coeur du problème."
Le comportement du pouvoir, en ce qui lui reste d'humain, c'est-à-dire pas grand chose, reste en effet au cœur du problème.
Le 11/10/2018 à 21:59, Laïc1 a dit :
" C'est donc avant tout sur les biais cognitifs, sur le développement de l'esprit critique et sur l'analyse de l'information qu'il nous faut agir, et les deux textes y contribuent."
Comment voulez-vous qu'il y ait un esprit critique du citoyen si toute information non vérifiée est interdite ? On ne critique que ce qui prête à doute, donc ce qui est faux, et là avec votre super loi anti liberté d'expression, plus aucune critique ne sera possible, puisque tout ce qui sera diffusé sera forcément vrai.
Au fait pourquoi ne critiquez-vous jamais la philosophie et le tissu d'inepties qu'elle véhicule ? Elle est protégée par M. Macron ?
Le 11/10/2018 à 22:03, Laïc1 a dit :
" Et avec un peuple privé de sa capacité de penser et de juger, vous pouvez faire ce que vous voulez », disait Hannah Arendt"
Raison de plus pour interdire la philosophie. Elle empêche les gens de penser et de juger librement, elle impose un barème de notation à ceux qui veulent penser, elle instaure la police de la pensée, elle flique le jugement et la liberté d'expression, elle tue la démocratie. D'ailleurs Platon et son maître Socrate détestaient la démocratie, elle faisait de l'ombre à leurs discours confus et tordus.
Le 11/10/2018 à 19:11, Laïc1 a dit :
" Les conditions que posent ces deux notions ne permettant pas d'appréhender tous les cas de manipulation de l'information,"
Une fausse nouvelle qui ne diffame personne et qui n'attente pas à la paix publique, où est le problème ?
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