Les dispositions concernant l'éducation aux médias ont, elles aussi, leur logique.
Outre l'absence de définition de son objet, les critiques majeures formulées sur ces propositions de loi, concernent la disposition permettant aux candidats à une élection de demander à un juge de statuer dans les quarante-huit heures sur le blocage d'affirmations fausses ou invraisemblables. Le juge des référés devra apprécier, sous quarante-huit heures, si ces informations sont effectivement fausses, d'une part, et si elles ont été diffusées de manière artificielle ou automatisée, d'autre part. Il me semble problématique d'introduire une nouvelle procédure, un nouveau référé devant le juge civil, pendant cette période électorale ou préélectorale, alors qu'il existe déjà d'autres procédures. On voit mal comment cela va s'articuler. Je sais que vous n'êtes pas d'accord avec cette objection, mais laissez-nous vous dire que nous ne voyons pas du tout comment ces référés civils et administratifs vont pouvoir s'articuler, surtout s'ils doivent être traités dans de très brefs délais.
C'est une très bonne chose que le juge puisse prononcer des mesures destinées à faire cesser la diffusion de fausses informations, mais le problème, c'est que la réponse du juge risque malgré tout d'intervenir trop tard. Vous avez introduit ce que demandaient les associations, c'est-à-dire l'obligation de désigner un représentant légal qui soit un interlocuteur référent sur le territoire français, mais vous devriez aussi examiner leur proposition de mise en place d'un « référé numérique », qui permettrait de régler le problème des délais. Un référé numérique, par échange de courriels, permettrait de raccourcir les délais et d'accélérer la procédure.
Un certain nombre de mesures contenues dans ce texte sont intéressantes. Je pense, par exemple, aux nouvelles obligations qui seront faites aux opérateurs de plateformes en ligne, qui devront fournir des indications sur les contreparties qu'elles auront perçues. C'est une bonne chose. Mais notre critique de fond, ce que nous ne comprenons pas, c'est votre choix d'avoir ainsi isolé la question de la manipulation en période de campagne électorale. Les attaques contre l'honneur d'un homme ou d'une adolescente victime de harcèlement sur les réseaux sociaux ne nous semblent pas moins graves que des propos désobligeants tenus sur des hommes politiques.
Votre empressement à isoler la question des campagnes électorales ne me semble pas justifié, car ce n'est ni plus grave ni plus urgent. Vous nous dites qu'il faut se hâter parce que les élections européennes approchent. Or cette proposition de loi organique concerne les élections présidentielles : il n'y a donc aucune urgence à légiférer sur cette question. Il me semblerait préférable de prendre en compte les conclusions du rapport d'information de nos collègues Aurore Bergé et Pierre-Yves Bournazel sur la nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l'ère numérique. Il me semble que tout ce qui relève de la calomnie et des fausses informations à l'endroit des hommes politiques en temps de campagne électorale devrait s'insérer dans ce cadre de réflexion plus large sur les nouvelles formes de régulation.
Il importe également, et c'est un point important, de travailler en harmonie avec l'Union européenne. Vous nous avez dit, monsieur le rapporteur, que vous vouliez poser un jalon avant d'entreprendre des démarches plus importantes ou plus globales au niveau européen. Mais est-il vraiment utile de créer une procédure spécifique sur un sujet aussi précis, avant de travailler avec l'Union européenne à une régulation plus générale ? Nous constatons, même si nous trouvons toujours que les choses évoluent trop lentement au niveau européen, qu'il se passe des choses en la matière. Une consultation publique sur la désinformation a été lancée ; il existe par ailleurs une task force, autrement dit une cellule de communication stratégique, à destination de l'Europe orientale, qui sert à contrer les campagnes de désinformation qui pourraient provenir de cette région.
Pour en revenir à la définition des fausses nouvelles, je vous ferai remarquer que l'Union européenne en a proposé une : « informations dont on peut vérifier qu'elles sont fausses ou trompeuses, qui sont créées, présentées et diffusées dans un but lucratif ou dans l'intention délibérée de tromper le public et qui sont susceptibles de causer un préjudice public ». Cette formulation aurait pu nous être utile pour élaborer notre propre définition des fausses nouvelles.