Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, ce texte sur la manipulation de l'information fait l'objet d'une nouvelle lecture après l'échec cinglant de la CMP. Sans doute faut-il s'interroger sur la méthode lorsque l'on touche à des valeurs constitutionnelles qui nous sont chères. Comme on peut le lire dans une recommandation du Conseil de l'Europe sur la libre circulation des informations sur internet, le droit à la liberté d'expression, notamment celui de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans ingérence et sans considération de frontières, constitue une pierre angulaire de la société démocratique, une condition fondamentale de sa pérennité et de son développement. Cependant, de réels problèmes se posent aujourd'hui en matière de manipulation de l'information, et ces propositions de loi ont pour objet d'y apporter des réponses.
À mes yeux, la réflexion sur la responsabilité des plateformes relève d'abord du niveau européen. Ce matin même, en sous-commission des médias et de la société de l'information du Conseil de l'Europe, j'ai d'ailleurs évoqué nos travaux. Nous sommes tous d'accord pour constater que tout contrôler sur internet est mission impossible, mais une prise de position de Marc Zuckerberg – il a laissé entendre que Facebook est responsable du contenu diffusé sur sa plateforme, bien que ce ne soit pas l'entreprise qui le produise – nous encourage à agir. De plus en plus de contenus préjudiciables circulent sur internet. Certains sont manifestement illicites, comme l'incitation au terrorisme, l'antisémitisme, le harcèlement ou le discours de haine. À ce propos, j'approuve le Premier ministre quand il qualifie d'actes scandaleux et criminels non seulement le récent incendie de l'abattoir de l'Ain, mais aussi les messages haineux qui l'ont accompagné sur les réseaux sociaux. Ainsi, les médias sont légitimement invités à assumer davantage la responsabilité des contenus qu'ils publient.
S'agissant du titre qui nous a occupés en commission des affaires culturelles, je rappelle que le CSA n'était pas demandeur de nouveaux pouvoirs. Tout comme pour le juge des référés au titre I, on donne au régulateur de nouveaux pouvoirs qu'il choisira peut-être de ne pas exercer. De plus, son pouvoir de recommandation à l'égard des plateformes s'exercera sans aucun moyen de pression puisque celles-ci ne sont pas couvertes par le régime de sanctions défini par la loi de 1986. L'information renforcée des utilisateurs des plateformes – que vous préconisez, madame la ministre, monsieur le rapporteur – est évidemment nécessaire mais insuffisante. Il semble illusoire de penser que ces utilisateurs seront à même de juger par eux-mêmes de la fiabilité et de l'origine de l'information, notamment en période électorale. Cela ne signifie pas que l'information et l'éducation au sens critique soient aujourd'hui satisfaisantes ; nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler au moment du rapport sur l'école dans la société du numérique.