Intervention de Yann Mazens

Réunion du jeudi 13 septembre 2018 à 11h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Yann Mazens, chargé de mission produits et technologies de France Assos Santé :

Je vous remercie pour votre invitation. Avant d'aborder la question du don d'organes, je souhaite à mon tour insister sur la nécessité de compléter la présente audition en recevant d'autres associations participant aux travaux de France Assos Santé qui, sur certains points, ont des positions plus tranchées.

Sur le consentement présumé rappelé par le décret du 11 août 2016, France Assos Santé ne souhaite pas une modification de la loi. Les débats consacrés au principe du consentement présumé ont été compliqués, y compris à France Assos Santé, et la loi est encore récente. Nous insistons par contre sur la nécessité d'une meilleure information, qui permette aux acteurs de s'approprier ce principe.

Un autre sujet qui a été longuement discuté dans notre structure, dont l'intérêt est justement de favoriser les échanges, est celui de la consultation anticipée du registre national des refus (RNR). Nous ne souhaitons pas que la loi évolue pour autoriser la consultation du RNR avant décès, notamment dans le cadre du programme « Maastricht III », car nous jugeons que cette évolution, non dénuée de risques, serait prématurée.

La transparence de l'accès à la greffe est également une question essentielle. L'inégalité d'accès à la greffe sur le territoire est en effet un grave problème, les différences de temps d'attente d'une greffe entre les centres pouvant dépasser cinquante mois. L'une de nos associations, qui a largement réagi dans la presse, vous a demandé une audition sur le sujet de la greffe du rein locale. Le centre effectuant le prélèvement sur un donneur décédé a actuellement la possibilité de garder un rein, ce qui cause une répartition inégalitaire et non transparente des greffons. Nous estimons que ce problème sur lequel je pourrai vous apporter des précisions mérite que le législateur s'y attaque courageusement.

Nous souhaitons aussi que soit abordée la question des dons d'organes solidaires entre personnes atteintes de pathologies chroniques, particulièrement entre personnes séropositives au virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Des avancées récentes sur l'hépatite B et l'hépatite C ont permis un accès plus rapide à la greffe et des échanges entre personnes atteintes. Des procédures dérogatoires ont effet été mises en place pour l'hépatite B, et l'hépatite C est désormais considérée comme une maladie « guérissable ». Cette évolution n'a pas eu lieu dans le cas du VIH, alors que l'échange solidaire entre personnes séropositives faciliterait l'accès à la greffe, notamment à la greffe rénale, qui est la plus fréquente. L'atteinte rénale survient d'ailleurs souvent chez les personnes infectées par le VIH. Poser clairement le problème des dons d'organes solidaires pour ces malades permettrait de répondre en partie à la pénurie de greffons et constituerait une avancée forte pour les personnes en attente.

La question des organes provenant de donneurs sub-optimaux mérite aussi d'être soulevée. Nous estimons en effet que le déficit d'information donnée aux receveurs sur la qualité du greffon qui leur est proposé est patent, alors que le partage de ces informations avec le corps médical permettrait au patient de décider, de façon éclairée, s'il accepte un greffon sub-optimal ou s'il préfère attendre. Les remontées dont nous font part nos associations membres montrent que, pour les propositions de greffons sub-optimaux, l'information du patient n'est ni complète ni transparente.

Un dernier point a fait l'objet de débats à une époque assez récente : la question de la greffe avec donneur vivant. Le cas des donneurs non-résidents pose un problème sérieux et nous estimons que cette pratique doit être particulièrement encadrée car, même si le tribunal de grande instance (TGI) est saisi pour ces greffes, des risques de dérives existent. Sur le même sujet, nous sommes fermement opposés au don d'organes des mineurs vers les parents, dont il avait été question lors des États généraux de la bioéthique. Nous pensons que le libre consentement n'est alors pas garanti et nous ne souhaitons donc pas que la loi évolue sur ce point.

Enfin, la France nous paraît trop timide sur la question des échanges croisés de greffons. Ces échanges croisés restent peu nombreux et ne se font que par paires, alors que plusieurs pays mettent en place des échanges en chaîne, multipliant ainsi les possibilités de proposition de greffe.

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