À vrai dire, monsieur le président, je ne pense pas que la question se pose dans les termes que vous avez indiqués. Certes, les systèmes juridiques en vigueur en Europe d'une part, aux États-Unis d'autre part, sont tout à fait différents. Ainsi, selon le système européen auquel nous nous référons, les données personnelles ne font pas l'objet d'un droit de propriété. En 1977, lorsque j'ai soutenu une thèse portant sur « Le secret médical en droit français », l'idée selon laquelle le patient dispose d'un droit de propriété sur ses données commençait à se répandre. Or, il n'en est rien : la notion de propriété n'a aucunement vocation à s'appliquer en la matière. Le droit du patient sur ses données est un droit de type personnel, ne pouvant donner lieu à une négociation commerciale. Le problème ne se situe donc pas à ce niveau.
Ayant travaillé sur cette question dans le cadre d'un colloque organisé par le Conseil de l'Europe, je suis en mesure de vous dire que nous sommes surtout confrontés à une déterritorialisation des règles. Si une personne est en relation avec un médecin français sur le territoire français, les choses sont claires. Elles le sont moins dès lors que l'on utilise des objets connectés dans le champ de la santé – qui ne se limite évidemment pas à ce qui est relatif à la maladie –, car cela entraîne l'intervention des GAFA et l'application des règles du droit américain. De ce point de vue, nous avons loupé le coche, et je ne vois vraiment pas comment nous pourrions sortir de la situation actuelle.
Il subsiste cependant une vraie question, consistant à savoir si une personne désirant récupérer ses données sur le territoire américain dispose de la possibilité de le faire. Lorsqu'on utilise internet, on est très fréquemment amené à devoir confirmer les conditions d'utilisation de telle ou telle application, ce qui nécessite de reconnaître avoir pris connaissance des termes du contrat correspondant, donc d'avoir lu chacune des quelque cinquante pages de ce contrat… vous aurez compris que tout le problème est là.