Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mardi 18 septembre 2018 à 16h45
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Comme vous, madame, j'ai longtemps cru que le terme de « bioéthique » avait été inventé par un médecin américain au début des années 1970 – étant précisé que certaines règles d'éthique figuraient dans le code dit de Nuremberg, élaboré en 1947 dans le cadre du jugement des médecins nazis. Or, il a récemment été porté à notre connaissance qu'en 1927, un auteur allemand employait déjà le terme Bioethik pour désigner l'éthique des relations entre l'homme et le vivant – une notion très large à cette époque où la biologie n'était pas ce qu'elle est devenue. La notion de bioéthique a donc des frontières assez mal définies, selon qu'elle fait référence aux implications éthiques de la biologie ou, plus largement, à celles touchant à toutes les sciences du vivant.

Par ailleurs, je sais que vous êtes attachée à dénoncer un pouvoir de décision un peu excessif des médecins français, dans lequel d'aucuns voient la marque d'un certain paternalisme médical. Il est clair que l'on se dirige aujourd'hui vers une réduction de ce pouvoir et vers une appropriation par les patients de l'exercice du choix de leur destinée. Cependant, en dehors de la loi relative aux droits du malade, rien n'est actuellement organisé en vue de définir et de mettre en place de nouvelles règles, ce qui fait que l'on se trouve dans une situation intermédiaire peu satisfaisante, quels que soient les défauts de l'ancien système.

Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que nous avons besoin d'une loi en France, puisque notre système juridique diffère de celui, essentiellement jurisprudentiel, qui prévaut dans certains pays anglo-saxons. Cela dit, estimez-vous que cette loi a vocation à rester stable et ne faire l'objet d'analyses que lorsque se pose un problème particulier, ou au contraire doit donner lieu tous les cinq ans à une évaluation portant sur l'ensemble des questions relatives à la bioéthique, et aux révisions qui s'imposent ? Nous sommes pour notre part favorables à cette révision périodique, et estimons même qu'il conviendrait de mettre en place, au sein du Parlement, une instance permanente chargée d'effectuer des analyses et de présenter un rapport annuel – ce qui permettrait que les différentes structures compétentes en matière de bioéthique, notamment au niveau régional, ne se démobilisent jamais.

Par ailleurs, vous avez parlé de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Cette recherche est nécessaire en ce qu'elle porte sur des cellules différentes des cellules souches pluripotentes induites – en anglais induced pluripotent stem cells, soit iPS ou iPSCs –, à savoir des cellules adultes reprogrammées qui, contrairement, à ce que l'on a espéré un moment, ne peuvent se substituer aux véritables cellules souches embryonnaires. La recherche sur l'embryon est longtemps restée très bridée en France. Permise depuis 2013, comme vous l'avez dit, elle reste cependant soumise à l'autorisation de l'Agence de la biomédecine, ce qui amène certains chercheurs à déplorer que le dispositif reste beaucoup plus contraint que dans d'autres pays présentant le même niveau de développement que la France : on entend parfois même dire que la recherche sur l'embryon humain est infiniment plus bridée que la recherche sur le nouveau-né humain. Cet état de fait se traduit par une absence d'amélioration, d'une part, des conditions de la procréation médicalement assistée (PMA), dont on sait qu'elle présente un pourcentage de réussite encore relativement faible, d'autre part, de la prévention de certaines pathologies de la mère et de l'enfant. Seriez-vous favorable à ce que soit permise une recherche sur l'embryon, qui pourrait se faire dans les mêmes conditions que celle actuellement pratiquée sur le nouveau-né, c'est-à-dire dans le cadre d'un système strict de protection et d'autorisation ?

Vous dites que le terme « don » vous paraît inapproprié, mais seriez-vous favorable à une autorisation de prélèvement d'organes ou de cellules de moelle osseuse en cas d'accord d'un donneur vivant, ou quand il n'y a pas de refus pour une personne décédée ?

Enfin, dans une étude récente, le Conseil d'État a indiqué que les modalités de filiation des enfants nés grâce à la PMA devraient être un peu différentes selon que ces enfants sont nés au sein d'un couple hétérosexuel ou au sein d'un couple de femmes homosexuelles. Si minime qu'elle soit, cette inégalité de traitement nous semble poser problème. J'aimerais connaître votre position à ce sujet.

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