Intervention de Jean-Marie Faroudja

Réunion du mercredi 19 septembre 2018 à 16h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Jean-Marie Faroudja, président de la section Ethique et déontologie du Conseil national de l'Ordre des médecins :

Je vous remercie d'entendre la voix de l'Ordre des médecins, assez timide jusqu'à présent sur ces sujets délicats. Je traiterai pour commencer des divers aspects de l'assistance médicale à la procréation (AMP), question d'une particulière importance sur laquelle le Conseil national a pris position hier par un avis qui est l'aboutissement d'années de réflexion.

Sur le fond, le rôle de l'Ordre n'est pas de s'opposer aux demandes sociétales auxquelles existe une possible réponse technique médicale. Ainsi, s'agissant de l'auto-conservation des gamètes, l'Ordre a pour rôle de rappeler aux médecins que la stimulation ovarienne comporte des risques dont ils doivent informer la patiente : risque dû à ce que cette pratique suppose d'utiliser des produits extrêmement violents pour obtenir des ovocytes ; risque, aussi, de désillusion. Dimanche dernier, dans le journal Sud-Ouest, une spécialiste du centre hospitalo-universitaire de Bordeaux, le docteur Aline Papaxanthos, indiquait que 6 % seulement des ovocytes conservés donneront lieu à un embryon vivant. C'est le rôle du médecin de prévenir les dames, qui souhaiteraient reporter une conception, des risques qu'elles prennent et, dans tous les cas, de leur dire qu'il n'y a pas de garantie de réussite. L'Ordre demande aux médecins de se conformer au code de la déontologie médicale, ce qui suppose l'information de la patiente et son consentement.

De nombreuses discussions ont eu lieu sur l'AMP au sein du Conseil national. Après avoir entendu de nombreuses personnes – des scientifiques, des philosophes, des associations –, nous sommes parvenus à la conclusion que si, à la demande d'AMP, essentiellement sociétale, la réponse peut être médicale, le rôle du médecin ne peut en aucun cas être assimilé à celui du technicien supérieur capable d'apporter la réponse demandée. Est-ce le rôle du médecin traitant de donner à la patiente toutes les possibilités thérapeutiques existantes ? La question reste entière, mais elle doit être envisagée selon deux prismes.

Le premier est celui du code de déontologie médicale, qui figure dans la partie réglementaire du code de la santé publique. Aucun article du code de déontologie ne permet de refuser d'emblée l'AMP ; en revanche, l'article 7 du même code établit que le médecin ne peut en aucun cas opérer de discrimination entre les patients qui s'adressent à lui, quelles que soient leur origine, leurs convictions religieuses ou politiques, leurs moeurs et leur situation de famille. Il n'appartient donc pas au médecin de trancher la question ; c'est pourquoi nous estimons qu'il s'agit d'une demande sociétale. La question doit aussi être envisagée en fonction du respect des quatre principes de l'éthique médicale : l'autonomie de la personne ; la bienfaisance ; l'absence de maltraitance ; l'équité. On constate que les réponses sont très différentes si l'on s'interroge au sujet de l'AMP d'une part, au sujet de la gestation pour le compte d'autrui (GPA) d'autre part.

Commençons par l'autonomie de la personne. Une femme seule ou un couple de femmes homosexuelles veut un enfant ; l'absence d'enfant peut être la source d'une souffrance que le médecin est en devoir d'écouter. Je ne dis pas qu'il doit forcément accéder à la demande mais qu'il a le devoir de l'entendre et d'accompagner la femme qui l'exprime jusqu'à ce que le projet puisse être étudié, voire porté à bon terme par des équipes spécialisées. Parler d'autonomie amène aussi à parler de l'autonomie du médecin, qui est libre. Ce disant, je ne parle pas de clause de conscience, sujet sur lequel je reviendrai, mais de l'article 47 du code de déontologie médicale, que je cite : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Hors le cas d'urgence » – et il ne s'agit pas d'une situation d'urgence – « et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. »

J'en viens maintenant au principe de bienfaisance. Est-il bienfaisant d'accorder à une femme ou à un couple de femmes homosexuelles la possibilité d'avoir un enfant ? C'est ce que l'on a appelé le « droit à l'enfant », et qui a donné lieu à un large débat. L'Ordre des médecins considère que la demande exprimée ne relève pas du « droit à l'enfant », parce que ce n'est pas systématique, mais du droit d'accès à l'AMP – et de quel droit un médecin pourrait-il dire à une femme : « Non, madame, vous n'y avez pas droit !! », avant de la raccompagner à la porte de son cabinet ? Tel n'est pas le rôle du médecin, qui doit l'écouter et l'entendre.

Ont aussi été évoqués les droits de l'enfant à naître. Mais revient-il à l'Ordre des médecins de dire ce qui est bien ou pas bien ? Certains disent qu'un enfant doit avoir un père et une mère, d'autres que le fait qu'un enfant ait deux mères ou une mère l'élevant seule ne change rien. Nous connaissons tous des femmes abandonnées, des mères célibataires et des veuves ayant élevé correctement un enfant. On connaît aujourd'hui des couples de femmes homosexuelles qui, ayant adopté un enfant, l'ont mené jusqu'où elles ont pu. Et le médecin de campagne que je fus a connu des enfants nés dans un couple comportant un père et une mère qui n'ont pas forcément été heureux et dont certains ont dû être confiés à l'Aide sociale à l'enfance (ASE). En bref, il n'appartient pas à l'Ordre de prendre position sur ce qui est bien et sur ce qui ne l'est pas en cette matière, même sur le plan éthique.

Passons au principe de l'absence de maltraitance. Est-il malfaisant de permettre à une femme seule ou à un couple de femmes d'avoir un enfant ? Sur ce plan également, l'Ordre considère ne pas avoir à se prononcer.

La dernière question éthique qui se pose est celle de l'équité et de la justice. Nul, ici, n'ignore que des femmes se rendent dans des pays voisins pour bénéficier d'une AMP. Mais encore faut-il, pour cela, disposer de ressources suffisantes. Une femme habitant près d'un pays où l'AMP est admise pour elle obtiendra sans trop de difficulté ce qu'elle ne peut obtenir en France ; il en ira autrement pour une femme habitant le Massif central. Il y a là une inéquité géographique et pécuniaire, et ce problème doit être tranché par la société.

Si la législation évoluait, la question de la clause de conscience et de son expression dans la loi ferait débat. L'article 18 du code de déontologie médicale, relatif spécifiquement à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), établit qu'un médecin est « toujours libre » de refuser de pratiquer cet acte. Nous estimons que si l'accès de l'AMP était étendu aux couples de femmes et aux femmes seules, un article équivalent ne devrait pas être introduit dans le texte, car la disposition entraînerait une discrimination contredisant l'article 7 précité du même code. Reste aux médecins la possibilité de se récuser, à la condition d'avoir entendu la patiente et de lui avoir donné les moyens de poursuivre son projet auprès d'équipes spécialisées. On sait que la pratique de l'AMP n'est pas à la portée de tout le monde ; il est donc vraisemblable qu'une femme qui réclame une AMP s'adressera à une équipe spécialisée. Comme on conçoit mal aujourd'hui qu'un gynécologue refuse de faire des interruptions volontaires de grossesse (IVG), on conçoit mal qu'un médecin en mesure de réaliser des AMP refuse systématiquement de répondre à ces nouvelles demandes. Mais quand bien même estimerait-il en conscience devoir le refuser, pour des raisons qui lui appartiennent, il lui reviendra, si la loi évolue, de confier la patiente à une équipe compétente susceptible de l'écouter et de lui apporter une réponse adaptée.

Cela étant, d'autres questions éthiques se poseront si l'accès à l'AMP est étendu à toutes les femmes. Si la demande émane de femmes seules, de couples de femmes et de couples hétérosexuels, à qui donnera-t-on des gamètes qui se font rares ? Il ne doit pas y avoir de discrimination, mais j'ignore comment se fera le choix. Se posera aussi la question de l'appariement. Aujourd'hui, quand un couple hétérosexuel demande une AMP avec tiers donneur, on recherche une compatibilité géographique pour « assortir » parents et enfant autant que faire se peut. La question est sensible, expliquent les centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains (CECOS).

L'Ordre s'est aussi intéressé à la question de l'accès aux origines, qui tourmente un certain nombre de personnes. L'éventualité d'un accès aux origines personnelles bénéficierait à celui ou celle qui en fait la demande ; en pareil cas, le donneur devra être informé de cette éventualité, pour qu'il exprime ou non son consentement à l'éventualité de la levée d'anonymat dès lors que l'enfant conçu grâce à son don accèdera à la majorité. Sur le plan médical, peut-être serait-il utile de savoir que le donneur qui a offert son sperme il y a une décennie a ensuite développé une pathologie héréditaire possiblement handicapante. Si les modalités d'accès aux origines personnelles sont correctement encadrées par un texte, il n'y a pas de raison que l'Ordre s'y oppose dès lors que tous les interessés ont manifesté leur accord. L'Ordre a pour rôle de guider les médecins dans l'intérêt des patients : le patient a-t-il intérêt à connaître ses origines ou non ? A-t-il intérêt à connaître la pathologie de celui qui a permis de le faire naître ? Il faut en débattre, tout comme il faudra s'interroger sur l'insémination post mortem, et aussi sur le double don ; à ce sujet, il me paraîtrait singulier d'autoriser le transfert d'embryon post mortem et de parallèlement refuser que les deux gamètes susceptibles d'engendrer une personne – les ovules d'une donneuse et le sperme d'un donneur – puissent être réunies à cette fin.

Que ces questions éthiques demeurent signifie que l'évolution de la loi ne règlerait pas tous les problèmes. Mais, aucun principe déontologique et éthique ne s'y opposant, l'Ordre des médecins considère n'avoir pas de raison d'être contre l'extension de l'accès à l'AMP.

Nos réponses ne seraient pas les mêmes au sujet de la GPA. Repartons du principe d'autonomie de la personne : on ne peut assurément pas penser que la femme qui accepte de faire cela le fait dans une autonomie absolue ; on verra beaucoup plus de femmes, en Inde, accepter une grossesse tous les treize mois, et elles ne le font certainement pas dans un but uniquement altruiste, mais par nécessité. Voilà pour l'autonomie. Ensuite, je ne peux pas penser qu'il soit bienfaisant d'accorder ou de demander à une femme d'être enceinte tous les treize mois. On peut aussi considérer que c'est une maltraitance d'autoriser la location d'utérus. Enfin, où sont la justice et l'équité entre celles ou ceux qui peuvent éventuellement louer un ventre et celle qui a besoin de cette location pour pouvoir vivre ?

Voilà où en est la réflexion de l'Ordre des médecins sur la procréation. Inutile de dire que, le corps médical étant aussi divisé sur ces questions que l'est la société dans son ensemble, les réactions des médecins se feront entendre : certains seront « contre » sa prise de position, certains seront « pour » et d'autres indécis. Mais l'Ordre ne pouvait pas continuer à tourner en rond en dépit des multiples consultations auxquelles il a procédé.

J'en viens maintenant au don d'organes. Nous avons débattu de ce sujet avec le ministère à l'initiative de la mission flash conduite par le rapporteur de la mission d'information. L'Ordre des médecins n'a rien de particulier à dire sur la situation actuelle : les protocoles sont parfaitement établis, les équipes de prélèvement pleines d'humanité, les questionnaires remarquables et l'on respecte la volonté des donneurs. Pour les donneurs vivants, la loi paraît tout à fait satisfaisante ; peut-être serait-il judicieux de prévoir un « statut du donneur vivant » pour que ceux qui consentent à un don ne soient pas pénalisés sur le plan matériel. Pour ce qui est du prélèvement d'organes, nous prenons acte de l'existence d'un registre des refus mais nous aurions préféré un registre des dons. On peut en effet considérer que donner un organe est un geste altruiste et donc gratifiant pour le donneur, si bien que certains ne doivent envisager qu'à reculons d'aller s'inscrire sur le registre des refus. Enfin, l'Ordre souhaite évidemment voir préservés les principes qui fondent le don d'organes : consentement, gratuité, anonymat, équité de répartition et sécurité sanitaire. L'Ordre des médecins s'engage à promouvoir le don d'organes et sa gratuité, comme le font d'autres pays, telle l'Espagne, avec un succès retentissant. Il est terrible de penser que tous les jours des organes sont mis en terre et que dans le même temps des gens attendent, alités, en priant le ciel de pouvoir obtenir un greffon.

Pour ce qui est du don de gamètes, une modification de la loi conduisant à supprimer l'anonymat du donneur pourrait entraîner le risque d'une diminution du stock. D'ailleurs, plutôt que de parler de « levée de l'anonymat », il serait prudent de parler de « possibilité d'accès à ses origines » – et il n'est pas obligatoire de dire que le donneur est M. Dupont, habitant à tel endroit. Après avoir levé l'anonymat des donneurs, l'Australie a connu, un temps, une baisse du stock de gamètes ; il est finalement remonté. Bien entendu, si le législateur décidait de permettre l'accès aux origines, le processus devrait être strictement encadré et ne pas contrevenir au principe de non rétroactivité de la loi. Les dons effectués antérieurement à la loi nouvelle ne pourraient être soumis à cette évolution : le donneur doit savoir, au moment où il fait ce don, qu'un jour peut-être l'enfant qui en est issu voudra l'interroger, et dire s'il y consent ou non. La modification de la loi ne pourra donc pas s'appliquer instantanément.

Sur le don du sang, il n'y a rien à dire, sinon que les mêmes principes –consentement, gratuité, anonymat et équité de répartition – doivent, bien sûr, s'appliquer.

Sur la recherche sur l'embryon et les cellules hématopoïétiques, les lois successives ont été de plus en plus permissives. La demande actuelle émane surtout des chercheurs. Ils font remarquer que notre pays n'est pas dans le peloton de tête de ceux qui déposent des brevets et que si la France persiste dans sa position, elle se fera « dépasser » par de nombreuses nations, pays émergents compris. L'Ordre des médecins n'est pas opposé à la recherche sur l'embryon, à condition que soit maintenue la clause de conscience qui figure dans le code de la santé publique – elle doit valoir pour tous, laborantins, ingénieurs et médecins, mais l'Ordre n'a pas à se prononcer pour les laborantins ou les ingénieurs ; il dit que les médecins doivent avoir le droit de refuser de participer à de telles recherches. Pour autant, il n'a pas à s'opposer à l'élargissement des règles si elles visent à faire progresser la science et à apporter une amélioration à la société et aux patients.

Je souhaiterais maintenant aborder la question de la génomique. On sait que le diagnostic préimplantatoire constitue une méthode de sélection. On sait aussi qu'il est désormais possible de corriger le génome en utilisant le ciseau Crisper-Cas9, qui permet, pardonnez la trivialité de l'expression, de « tripoter » l'acide désoxyribonucléique (ADN). On sait à peu près ce que l'on peut faire, mais l'on ne sait peut-être pas vraiment à quoi l'on va aboutir. Je laisse les spécialistes de ces questions en débattre, mais il faut se garder de tout risque d'eugénisme ou de dérives à partir de la génomique.

Je n'ouvrirai pas le chapitre de la fin de vie, mais j'espère que la question sera l'objet d'une autre rencontre nous permettant de vous exposer la position de l'Ordre, qui résulte d'une très longue réflexion.

Sur l'intelligence artificielle, je serai bref car je ne suispas spécialiste de cette question, mais d'autres que moi le sont au sein de l'Ordre et le Conseil national a été un partenaire actif de son introduction dans l'exercice médical. Si l'on peut apporter aux praticiens des outils supplémentaires grâce auxquels ils exerceront mieux et seront plus avertis en toutes matières médicales, c'est une bonne chose. Aujourd'hui, en tapant trois mots sur un clavier, on voit défiler une série impressionnante d'hypothèses diagnostiques, ce qui peut rendre service aux patients, au lieu que, jusqu'à présent, le médecin cherchait dans sa mémoire, dans ses livres et éventuellement à la bibliothèque de la faculté de médecine une information peut-être déjà périmée. Plus on donnera aux médecins de moyens de trouver des renseignements et mieux cela vaudra, à condition de préserver certains principes.

Le secret médical, en particulier, doit être maintenu avec force vigilance. L'intelligence artificielle et la puissance de calcul phénoménale de l'informatique quantique ne permettront-elles pas de remonter à l'origine d'un cas pathologique et de trouver l'identité du patient concerné à partir de quelques éléments ? Aujourd'hui, le secret médical est attaqué, fréquemment et de toutes parts, et l'Ordre se bat pied à pied pour qu'il demeure toujours général et absolu, sauf dérogations prévues par la loi. Si les fondations en étaient érodées, le patient n'aurait plus confiance en son médecin. Or, sans la confiance du patient, les soins ne pourront pas être apportés. Les dérogations légales sont aujourd'hui suffisantes et nous avons exprimé à plusieurs reprises notre désaccord sur l'extension de leur champ. Notre réflexion porte actuellement sur la transgression du secret ; elle doit rester exceptionnelle et peut éventuellement permettre aux médecins de s'affranchir du secret médical à condition qu'ils puissent s'en justifier et que la transgression soit proportionnelle à l'objet poursuivi.

Enfin, l'intelligence artificielle ne doit pas trop interférer entre le patient et son médecin. On dit que l'écran crée un obstacle ; je ne le pense pas – et des patients qui ne verraient pas d'écran chez un médecin le soupçonneraient vraisemblablement d'être un peu dépassé. En revanche, il importe que l'intelligence artificielle reste à sa juste place et que l'on veille à ce que son émergence ne remplace en aucun cas l'humanité du médecin. Un patient ne vient pas seulement voir son médecin pour qu'il pose un diagnostic : il veut aussi une main tendue et s'assurer qu'il est pris en charge et accompagné.

S'agissant des enfants nés intersexes, je dirai pour résumer que, quand la situation se présente, il est urgent d'attendre. « Anomalies du développement génital », « variation sexuelle », « malformation des organes génitaux », « anomalie de la différenciation sexuelle », « désordre de la différenciation sexuelle »... Cette très riche terminologie traduit la difficulté à définir ce dont on parle. D'un point de vue médical, soit une intervention chirurgicale se justifie d'emblée car, à trop attendre, des complications rénales se produiront, soit il n'y a pas urgence auquel cas, il est plutôt conseillé d'attendre que l'enfant atteigne la majorité, le temps pour lui de se construire sa propre identité plutôt que celle qu'aurait choisi pour lui ses parents. Ce sera tout l'art du médecin, ou plutôt des équipes spécialisées – car s'il est un sujet à propos duquel le médecin ne doit pas rester seul, c'est bien celui-là – de faire comprendre aux parents qu'il faut attendre, car il s'agira forcément d'une chirurgie mutilatrice et qu'il est bien d'attendre la majorité sexuelle de l'enfant pour avoir sa pleine adhésion. Il est vrai que, dans l'intervalle, il passera dix-huit années dans une situation ambiguë, avec des problèmes dramatiques, mais nous pensons qu'il est dangereux de provoquer une assignation irréversible. Quoi qu'il en soit, la décision doit toujours être prise collégialement par l'équipe pluridisciplinaire d'un centre de référence. En de tels cas, le rôle du médecin est d'assister les parents, de les éclairer et de rester à leur disposition pour les guider au cours de ce long cheminement. Quant aux problèmes d'état civil qu'entraînent ces cas, c'est au législateur qu'il revient de les trancher.

En conclusion, pour chacun de ces sujets, l'Ordre des médecins s'interroge sur la compatibilité entre ce qui est envisagé ou proposé et les règles fixées dans le code de déontologie médicale d'une part, les principes de l'éthique médicale d'autre part. Mais les principes éthiques donnent lieu à des discussions sans fin et le code de déontologie lui-même n'est pas gravé dans le marbre : nous savons l'adapter en fonction des circonstances comme nous l'avons fait en en réécrivant les articles 37 et suivants, relatifs à la fin de vie, pour expliciter et rendre applicable la loi Léonetti.

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