L'Ordre des médecins ne veut pas se prononcer sur l'autoconservation des gamètes en disant si c'est bien ou si ce ne l'est pas : il dit à ses membres qu'ils ont l'obligation déontologique d'informer les femmes sur les dangers et les risques de cette pratique. La récupération d'ovocytes demande une simulation ovarienne par injection de produits extrêmement dangereux qui peuvent provoquer des complications thrombo-emboliques entraînant le décès. Quand une femme de vingt-deux ans veut garder ses ovocytes pour s'en servir dix ans plus tard, le médecin se doit de lui dire ce qu'elle risque, à plus forte raison si elle a pris une pilule contraceptive pendant un certain temps ou si elle est fumeuse ; après quoi, la patiente décidera de ce qu'elle voudra. Le médecin a aussi un devoir d'information sur le faible pourcentage de réussite : une femme âgée de vingt-six ans qui fait conserver ses ovocytes pour les utiliser à trente-neuf ans doit savoir que 6 % d'ovocytes vitrifiés donneront lieu à un embryon vivant – ce qui ne signifie pas que la grossesse ira à son terme. Une médecin qui ne le dirait pas à la femme venue le consulter ne remplirait pas sa mission.
L'insémination post mortem n'est pas autorisée aujourd'hui, sauf cas très exceptionnel. La première question à se poser au moment de la refuser à une femme est de savoir si la conservation des spermatozoïdes entrait dans un projet parental ou si elle avait été faite sans projet précis. Pour le reste, imaginons que l'on autorise l'extension de l'AMP : en ce cas, une femme seule pourrait concevoir avec les spermatozoïdes d'un donneur inconnu mais une veuve ne pourrait pas utiliser ceux de son mari mort ? On risquerait d'en venir à des situations ubuesques.
Il existe une nuance entre clause de conscience et refus de soins. Un médecin a toujours le droit de refuser ses soins mais à deux conditions précises – les juridictions disciplinaires sont très à cheval à ce sujet. En premier lieu, il ne doit pas s'agir d'une urgence car en pareil cas le médecin doit toujours faire tout ce qu'il peut. Ensuite, le médecin doit prendre toutes dispositions pour que le patient ou la patiente puisse continuer à se faire suivre : lui remettre son dossier et le mettre en relation avec un confrère. Un médecin a toujours le droit de dire à une patiente ou à un patient : « Ne revenez plus me voir, je ne peux plus vous supporter. Je vous donne des traitements que vous ne suivez pas, je prescris des examens complémentaires que vous ne faites pas, et vous revenez tous les huit jours ; dans ces conditions, je ne veux plus vous soigner ». Ce faisant, le médecin exerce son droit de récusation, légitime s'il n'y a pas d'urgence et s'il s'assure que le patient sera pris en charge par un confrère, conformément à l'article 47 du code de déontologie médicale qui organise, de manière générale, la continuité des soins.
L'article 18 du même code prévoit d'autre part que le médecin est libre de refuser de pratiquer une IVG. Cette disposition doit demeurer. La grossesse n'est pas une pathologie mais une étape physiologique ; ce n'est pas non plus une urgence. Le médecin, pour des raisons personnelles ou professionnelles, peut refuser de pratiquer l'IVG, mais il a alors l'obligation absolue – et s'il ne fait pas, il sera poursuivi et sanctionné – de prendre l'intéressée en charge en lui donnant les informations nécessaires.
D'autre part, les médecins ne peuvent s'abriter derrière la clause de conscience pour opérer une discrimination. Autrement dit, un médecin peut, comme je l'ai indiqué, refuser de soigner un patient qui ne l'écoute pas, mais si ledit patient est aussi d'une certaine ethnie ou dans un état d'hygiène déplorable, le médecin ne peut refuser ses soins au motif de son origine ethnique ou de son absence d'hygiène. La non-discrimination est pour nous une règle absolue. Je vous invite à lire, sur notre site les articles 7, 18 et 47 du code de déontologie, ainsi que nos commentaires régulièrement mis à jour.