Intervention de Antoine Mellado

Réunion du jeudi 20 septembre 2018 à 9h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Antoine Mellado, directeur de la promotion et de la sensibilisation pour World Youth Alliance Europe :

Nous avons une belle vision de la France en Europe. Le débat parlementaire y est très respectueux et très riche. C'est particulièrement intéressant car beaucoup de pays ont des approches très sectaires, sans discussion de fond, et s'il y a des débats devant les caméras, la décision a été prise depuis longtemps, bien avant le passage au Parlement… À l'inverse, en France, le débat sur les questions de bioéthique est réel. C'est pourquoi je suis venu vous poser des questions, et j'espère vous les prendrez compte !

Pour que les débats sur ces sujets soient fructifères et puissent se poursuivre pendant de nombreuses années, le respect des points de vue dissidents – comme c'est souvent le mien – est fondamental, tout comme la protection de l'objection de conscience. Je ne pourrais pas vraiment participer à un débat qui ne me laisserait pas penser ce que je pense. J'ai fait beaucoup d'efforts et de recherches pour penser autrement, mais mon opinion n'a pas changé. En conséquence, j'espère être respecté dans mes opinions, même si je ne veux les imposer à personne. Je tiens simplement à les partager et ne pas être emprisonné à cause d'elles. Mais parfois, on se sent un peu seul et cela peut faire peur…

Or l'objection de conscience est menacée dans beaucoup de pays. Ainsi, en Suède, deux infirmières ont été interdites de travailler car elles ne voulaient pas participer à des procédures d'avortements. Un exemple similaire a été rapporté au Canada. C'est une bonne chose que cela ne soit pas le cas en France pour l'instant. Mais cela fait toujours débat.

Il faut maintenir cette protection, qui préserve également la démocratie : en démocratie, les gens doivent pouvoir être en désaccord, et même en désaccord très profond, voire dérangeant ; je comprends que cela dérange. Très souvent, j'essaie d'être particulièrement délicat quand j'expose mes positions car je sais qu'elles sont difficiles à entendre. Mais ce sont mes positions et je ne peux pas faire autrement que de les défendre…

Concernant l'expérimentation sur les embryons, il est possible de faire appel à certains schémas alternatifs qui ne requièrent pas leur utilisation. L'expérimentation sur les embryons peut sembler un chemin plus facile à mettre en oeuvre, mais, en réalité, on obtient actuellement de meilleurs résultats scientifiques avec les cellules-souches pluripotentes dites induites, qui ne proviennent pas d'embryons, mais d'humains adultes. La pluripotence induite leur confère des propriétés très semblables à celles des cellules-souches embryonnaires. Plusieurs essais cliniques ont été menés sur ce type de cellules et les résultats sont intéressants, voire fascinants. Leur utilisation ne pose absolument aucun problème éthique. Cette alternative peut a priori sembler un peu plus délicate à utiliser, mais c'est pour ce choix, avec ces types de moulins à vent que les jeunes ont envie de se battre.

Concernant la GPA, vous avez raison, le Royaume-Uni est la capitale européenne, mais c'est aussi un pays où les trafics issus de la GPA posent beaucoup de problèmes et où beaucoup de personnes partent à l'étranger pour pratiquer des GPA – que ce soit en Ukraine, en Grèce et, plus généralement, dans les pays pauvres qui l'autorisent. Je suppose que les études citées par Mme Golombok – j'aimerais le savoir – ont été menées sur des GPA réalisées au Royaume-Uni et donc très encadrées. Il s'agirait alors de cas très particuliers, qui concernent très peu de personnes…

Ce dimanche à Bruxelles en Belgique, où la GPA n'est pas autorisée, mais pas non plus interdite – et surtout où elle n'est pas combattue –, un « marché des bébés » est organisé. Je ne sais pas comment le qualifier autrement… Toutes les entreprises commerciales de GPA américaines présentent leurs services au cours de cet événement, et notamment leurs avocats ou leurs services juridiques. Les prix sont clairement indiqués. C'est la troisième année que cet événement a lieu. La première année, les organisateurs ont ensuite essayé d'importer l'événement à Paris, mais il a été interdit par les pouvoirs publics français. À Bruxelles, on n'a pas eu la même réaction… Cela explique que l'événement perdure.

L'association organisatrice – qui se dit « non-profit », à but non lucratif ! – est d'ailleurs basée au Royaume-Uni. Mais son but est clairement de vendre des services américains. Le lucre n'arrive donc pas au Royaume-Uni, mais aux États-Unis.

La situation n'est donc pas reluisante : sitôt qu'il y a une ouverture, il y a un appel d'offres et on développe les marchés…

Pour en revenir aux problèmes juridiques soulevés par la GPA, pendant des décennies, un système d'adoption a été développé et encadré au niveau international et des traités protègent parfaitement les droits des enfants. Il suffit de les appliquer ! En pratique, quand une personne part en Ukraine faire une GPA et qu'elle revient ensuite en France, le juge détermine l'intérêt primordial de l'enfant. En l'espèce, l'intérêt de l'enfant est-il de rester avec cette famille, sachant qu'ils sont allés en Ukraine ? Ce dispositif fonctionne parfaitement en cas d'adoption et les traités existent. Pourquoi vouloir les simplifier et, finalement, réduire les droits des enfants ?

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