Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, j'ai, tout d'abord, deux motifs de satisfaction. Le premier est que cette proposition de loi entend exposer quelques orientations fondamentales pour l'avenir de notre système de santé. Et il en a bien besoin.
On a l'habitude de louer le système de santé à la française, et on a raison. Pourtant, dans un classement publié en 2016, qui a pris en compte trente-trois indicateurs liés à la santé, la France n'arrive qu'en vingt-quatrième position. Des politiques de prévention insuffisantes ou inefficaces, sans véritable coordination et sans évaluation régulière, font partie des raisons qui expliquent ce mauvais classement. Or c'est justement la prévention qui est la grande absente du plan santé 2022 annoncé par le Gouvernement.
Cette proposition de loi entend donc remédier à cette absence, en instaurant une ambitieuse politique non seulement de prévention mais aussi d'éducation à la santé. Ainsi, l'article 2 élargit les missions de l'Agence nationale de santé publique, pour y intégrer plus fortement des missions relatives à l'éducation à la santé et à l'éducation thérapeutique. C'est une bonne chose, même si élargir sans cesse les prérogatives de l'agence ne doit pas occulter la mission de protection des personnes fragiles qui lui a été assignée à l'origine.
Mon second motif de satisfaction concerne la fin annoncée du numerus clausus : un système de santé efficace passe non pas exclusivement mais également par des médecins bien formés et en nombre suffisant. Je me rappelle avoir plaidé, il y a un an environ, avec d'autres députés, de gauche comme de droite, pour la fin du numerus clausus ! Un an... À l'époque, madame la ministre, vous aviez exprimé votre désaccord. Pourtant, les chiffres de l'année 2017 parlaient d'eux-mêmes, puisque 26 % des 70 275 médecins retraités, soit 18 267 praticiens, continuaient d'exercer leur métier pour pallier l'absence d'installation de médecins dans les déserts médicaux. En 2050, si rien n'était fait, ils auraient pu être 35 000.
Tout aussi alarmant est le fait que le nombre de médecins titulaires d'un diplôme européen ou extraeuropéen a connu, en dix ans, une hausse de 7,8 points. En 2017, ils représentent 26 805 médecins, soit 11,8 % des médecins en activité. Alors que 9 000 communes, qui comptabilisent tout de même quelque 5,3 millions d'habitants, sont en manque de médecins généralistes, vous aviez déclaré, madame la ministre, le 27 octobre 2017 : « Je voudrais répondre à Mme Ménard au sujet du numerus clausus, parce que j'entends beaucoup de bêtises à ce propos. » Et de poursuivre, en affirmant que la suppression du numerus clausus n'était pas la mesure à prendre immédiatement, puisque « les médecins qui auront été formés par suite de cette ouverture seront sur le marché [… ] ou plutôt en exercice sur notre territoire entre 2030 ou 2035 ».
Aujourd'hui, je me réjouis que le pragmatisme et le bon sens l'aient finalement emporté et que le Gouvernement ait revu sa copie. Continuons ainsi, car nos territoires ont besoin de médecins qui croient dans le beau serment d'Hippocrate qui honore cette profession.
La France a également besoin de renforcer ses formations paramédicales par leur intégration dans le système universitaire. Or cet aspect n'est abordé qu'a minima dans le projet du Gouvernement, alors que le texte examiné aujourd'hui permettrait de résoudre ce problème, non seulement par la réforme des études médicales, en intégrant une évaluation des qualités personnelles des candidats en fin de première année commune aux études de santé, en sortant d'une vision trop hospitalo-centrée des études de médecine et en valorisant l'exercice de la médecine de ville, mais également par la création d'un statut de patient-formateur, qui mérite au moins de ne pas être balayée d'un revers de main, ou par celle de villages de santé ou d'internats territoriaux. Toutes ces propositions ont le mérite de remettre à plat notre système de santé et de proposer des solutions concrètes à ses dysfonctionnements – j'insiste sur le mot « santé » pour ne pas me cantonner uniquement aux soins.
J'aurais aimé que le pragmatisme de la majorité soit plus complet encore : si vous nous aviez écouté l'an dernier, nous aurions gagné un an dans la suppression du numerus clausus. Votre argument, aujourd'hui, pour refuser la proposition de loi de nos collègues du groupe Les Républicains obéit à la même logique, relève du même sectarisme.