Monsieur le rapporteur, si votre proposition de loi fait suite à la parution du livre blanc Pour l'avenir de la santé, dont vous êtes l'auteur, elle s'inscrit également dans la droite ligne des annonces faites par le Gouvernement dans le cadre du plan « Ma santé 2022 » dévoilé le 18 septembre dernier et construit autour de trois engagements prioritaires qui ont été rappelés tout à l'heure. Si plusieurs enjeux traités par le plan « Ma santé 2022 » se retrouvent dans votre proposition de loi, cette dernière n'aborde que certains aspects de la politique de santé publique, alors que le Gouvernement propose une réforme globale et ambitieuse, qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Permettez-moi de prendre deux ou trois exemples.
S'agissant du dossier médical partagé, je vous rejoins sur la nécessité d'y intégrer les parcours de prévention. Cependant, quatorze ans après son lancement, ce dossier sera peu à peu généralisé très prochainement. Laissons-lui la chance de répondre aux attentes des professionnels de santé et de remporter l'adhésion des patients avant d'y apporter toute modification. Ce dossier du patient s'est souvent limité à une succession de briques applicatives pas toujours intégrées. Il a fallu beaucoup de temps pour déterminer ce qu'il devait contenir. L'un des enjeux à venir est l'interopérabilité entre les établissements de santé et les praticiens de ville. Faisons-en sorte que son déploiement national soit couronné de succès – à vrai dire, je n'en doute pas – avant d'y apporter toute autre modification.
Je veux aussi évoquer le sujet du financement de notre système de santé. Vous proposez de faire adopter par le Parlement, tous les cinq ans, une loi de programmation de la santé. Je ne suis pas de ceux qui estiment nécessaire de surlégiférer. Depuis 2016, la stratégie nationale de santé fixe les objectifs et les moyens mis en oeuvre, à l'initiative du Gouvernement, pour une durée de cinq ans ; il nous appartient d'en contrôler la mise en oeuvre effective et de lui donner une traduction législative et budgétaire dans le PLFSS et les autres textes que nous examinons.
Vous proposez également de créer une tarification au parcours de soins pour des parcours déterminés par voie réglementaire. Plusieurs rapports ont souligné les limites de la T2A. J'ai assisté à cette course à l'échalote pendant des années, lorsque j'ai accompagné de nombreux établissements dans la mise en place de la T2A, qui s'ajoutait aux conséquences de la mise en oeuvre des 35 heures, des nouvelles gouvernances, du dossier patient et des projets des nouveaux établissements… Je voudrais profiter de cette occasion pour rendre hommage au travail admirable des personnels soignants, des personnels administratifs et des directions d'établissement qui ont mené de front l'ensemble de ces chantiers.
Le plan « Ma santé 2022 » propose d'aller vers une tarification à la qualité et au parcours de soins et de limiter progressivement la part de financement à l'activité et à l'acte. Il prévoit notamment la création de parcours de soins pour l'insuffisance cardiaque et l'ostéoporose d'ici à la fin de l'année, un élargissement de cette démarche aux principales pathologies chroniques avant la fin 2019, l'instauration de financements au forfait pour certaines pathologies chroniques et la révision des nomenclatures et des classifications des actes professionnels. Le plan gouvernemental prévoit également un relèvement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie – ONDAM – de 2,5 % en 2019 – c'est le plus élevé de ces dernières années – et une dotation de 300 millions d'euros dès 2019, contre 60 millions aujourd'hui, pour financer la qualité dans les établissements hospitaliers.
Un autre volet de cette proposition de loi traite des complémentaires santé, qui assurent un remboursement total ou partiel des dépenses non prises en charge par l'assurance maladie. Constatant que les contrats varient considérablement d'une entreprise à l'autre, vous proposez d'instaurer un panier de garanties identique quelle que soit la taille de l'entreprise. Cette forme d'alignement risque de créer une charge supplémentaire pour des entreprises qui n'en ont pas les moyens et de provoquer un nivellement par le bas.
Vous le voyez : si les sujets abordés par cette proposition de loi rejoignent ceux du plan « Ma santé 2022 » et de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, les mesures préconisées par le Gouvernement sont différentes et beaucoup plus ambitieuses. Les enjeux de société et de santé publique, la prise en charge et la qualité des soins, l'organisation et la répartition territoriale, les modes de financement et de régulation, la formation des professionnels et l'adaptation au numérique ne peuvent souffrir de mesurettes mais doivent former un ensemble cohérent, avec une traduction législative dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale puis dans d'autres textes qui seront présentés dans les tout prochains mois.