Cette rencontre devient, en effet, traditionnelle. J'apprends avec plaisir que l'Office s'est déplacé au laboratoire de police scientifique de la gendarmerie nationale à Cergy-Pontoise. Je me ferais un plaisir de vous accueillir sur notre site de Champs-sur-Marne, pour que vous puissiez découvrir concrètement les travaux des chercheurs et experts du CSTB. Nous recevrons prochainement M. Jean-Luc Fugit, administrateur du CSTB. Avant l'été, nous avions reçu Madame la sénatrice Élisabeth Lamure, également administratrice du CSTB. Nous serions très honorés de votre visite.
En préambule, voici quelques mots de présentation du contexte de la recherche dans le secteur de la construction. Ce secteur pèse un peu plus de cent milliards d'euros de chiffre d'affaires. Il est marqué par deux éléments économiques essentiels. D'une part, il n'existe pas de leader économique organisant la filière, comme cela peut être le cas dans l'industrie automobile, qui pèse à peu près le même poids économique, ou dans l'industrie aéronautique, qui représente soixante milliards d'euros. D'autre part, il n'y a quasiment pas de barrière économique à l'entrée, ce qui signifie que les marges y sont très faibles. Ces deux éléments, marge très faible et absence de leader économique, font que ce secteur, a historiquement et traditionnellement une faible culture de recherche, en France comme à l'étranger.
Dans le domaine de la construction, l'effort de recherche des entreprises est de l'ordre de 1 pour 1000 de leur chiffre d'affaires, là où la moyenne et l'objectif de la stratégie de Lisbonne sont de 2 % du produit intérieur brut (PIB). Ces éléments font qu'un organisme comme le CSTB, qui a des équivalents et homologues dans tous les pays développés de la planète, est en permanence tiraillé entre la recherche amont, pour défricher de nouveaux sujets, et la recherche aval, qui s'approche parfois de l'expertise, pour mettre à disposition de l'ensemble des acteurs économiques les connaissances qu'il a créées.
Au plan scientifique, l'activité du CSTB sur l'année 2017 reflète vraiment cette dualité. Je vous propose d'évoquer les trois grands sujets de recherche sur lesquels nous avons été amenés à travailler l'année dernière.
Le premier sujet porte sur les travaux sur la transition environnementale, avec deux éléments essentiels.
Le premier élément concerne la façon de prendre en compte le carbone, les enjeux d'émissions de gaz à effet de serre, dans les constructions. Quelle métrique ? Quelles règles ? Comment préparer la future réglementation environnementale ? Il s'agit d'une approche en aval de mise à disposition et d'application des travaux de recherche menés par le CSTB, depuis une dizaine d'années, sur l'utilisation du carbone à l'échelle du bâtiment et de la ville.
Le deuxième élément est lié directement à l'actualité : comment mieux anticiper les effets du changement climatique sur les constructions ? Nous avons été amenés à travailler sur ce sujet, et nous continuons à le faire, suite à l'arrivée sur les Antilles des ouragans Irma, qui a ravagé l'île de Saint-Martin, et Maria, qui a fortement impacté la Guadeloupe, en passant à trente kilomètres des côtes. Ces deux événements nous ont clairement amenés à nous demander si les règles de construction, les procédés constructifs avec lesquels nous bâtissons depuis des décennies et parfois des siècles, sont et resteront adaptés pour faire face à une intensification des événements climatiques exceptionnels.
Le deuxième grand sujet de recherche porte sur les enjeux de la révolution numérique dans le secteur du bâtiment, avec une double dimension : en aval, il s'agit d'accompagner l'ensemble de la filière et des acteurs pour qu'ils se saisissent des outils du numérique. Comme je l'ai déjà souligné l'an dernier, la filière du bâtiment a compris et saisi l'ensemble des opportunités que pourrait lui apporter l'utilisation des outils numériques. Elle s'est collectivement saisie du sujet et a demandé au CSTB de l'accompagner dans le développement d'outils, afin de pouvoir, de la façon la plus simple, la plus efficiente et la moins risquée possible, se saisir de ces opportunités. Cela a été réalisé au travers d'interventions du CSTB dans le cadre du Plan transition numérique dans le bâtiment (PTNB), mis en place par le Gouvernement, ainsi que de l'accompagnement de certains maîtres d'ouvrage, publics ou privés, destiné à les aider à se saisir de ces outils.
Dans le domaine de la transition numérique, le CSTB a également commencé à examiner les impacts potentiels des avancées qu'apportera l'intelligence artificielle dans le secteur économique de la construction. Aujourd'hui, nous sommes loin de ce qui peut se faire dans d'autres domaines, comme l'indiquait un récent rapport de l'Office. Mais nous savons bien que, tant dans les phases de construction que d'exploitation des bâtiments, les enjeux de développement des outils de l'intelligence artificielle auront un impact structurant et structurel sur l'ensemble de la filière.
Le CSTB est un organisme de recherche qui a l'envie de découvrir. Malgré les lourdeurs d'une organisation de mille personnes, il a souhaité, sur des sujets de ce type, s'ouvrir complètement à l'ensemble des innovations. Cela l'a amené, à la fin de l'année dernière, à mettre en place un incubateur d'entreprises innovantes consacré au secteur du numérique, le CSTB'Lab. Le dispositif prévoit que chaque entreprise sélectionnée pour intégrer le CSTB'Lab bénéficie d'un parrain parmi les chercheurs du CSTB, de l'accès aux équipements scientifiques du CSTB et aux travaux de recherche menés par les chercheurs du CSTB.
Le positionnement de cet incubateur est donc très lié à nos travaux de recherche. Cela nous différencie d'un certain nombre d'initiatives d'incubateurs d'entreprises plus massifs, lancés ces dernières années. Visiblement, le CSTB'Lab correspond à une véritable attente d'une famille d'entreprises innovantes. Nous fonctionnons par vagues d'appels à candidature. À chaque appel, nous avons une trentaine de candidatures, parmi lesquelles nous sélectionnons entre trois et quatre start-up.
Le troisième grand sujet sur lequel nous avons intensifié nos travaux de recherche porte sur l'ensemble des enjeux sanitaires dans le secteur de la construction, avec une première question en termes de recherche aval : quelles solutions la recherche peut-elle apporter à la problématique de la présence d'amiante dans les bâtiments, notamment comment réduire le coût du désamiantage ?
Une étude récente du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) indiquait que pour le seul secteur du logement social, qui représente à peine 10 % du parc construit en France, et un sixième du parc résidentiel, le coût du désamiantage des bâtiments, hors immobilisation, représentera vingt milliards d'euros sur les dix prochaines années. Un ratio simple nous donne un ordre de grandeur du coût du désamiantage de l'ensemble du parc existant. Celui-ci se chiffrera probablement en centaines de milliards d'euros dans les années à venir. En s'appuyant sur les apports de la recherche, il y a probablement matière à sensiblement réduire ces coûts massifs.
Dans le domaine sanitaire, une deuxième question porte sur l'ensemble des enjeux de la qualité de l'air à l'intérieur des bâtiments. Comment prévoir les polluants présents dans l'air intérieur, en fonction de ce qui est présent dans le bâtiment, et accessoirement, de la pollution de l'air extérieur ? Ce sont des travaux de recherche de long terme. Nous en sommes à simuler des phénomènes physiques complexes.
Voilà, rapidement et synthétiquement, certains des travaux qui ont mobilisé les chercheurs du CSTB sur l'année 2017, et le début 2018.